I feel like a wrecking ball (( Rowan ))

mars 1983 (UA) • Englandft. Mary

C'était facile de tuer quelqu'un. Le plus compliqué était de trouver comment le faire. Depuis le début de sa carrière de Mangemort et de sa nouvelle passion pour l'élimination de traitres à leurs sang et de sang-de-bourbe, Rowan s'était essayé à diverses méthodes pour assouvir ses pulsions et réussir ses missions. Son sens du spectacle lui faisait privilégier les mises en scène douteuses et les lentes agonies. En cette période de guerre, pas besoin de dissimuler les massacres de ce genre. Il signait son oeuvre dans les flammes en brûlant les lieux et en dessinant dans le ciel la marque du Seigneur des Ténèbres.

Un crime en entraînait un autre, une escalade de violence qui n'en finissait pas. Tuer quelqu'un le rendait euphorique, mais jamais assez longtemps, alors il fallait recommencer. C'était comme une drogue, il lui en fallait toujours, toujours plus. Il ne s'arrêterait qu'une fois mort.

Le Mangemort transplana. Selon son enquête et ses informations, elle vivait toujours ici.

Elle avait été longtemps absente, pour se faire soigner, mais elle était revenue. Elle était aussi coriace qu'une mauvaise herbe. Pauvre créature, elle n'avait pas comprit que le mal dont elle était atteint n'avait pas d'antidote miracle : on ne peut pas guérir un sang impur. La mort de ses parents, de son mari... Ce n'était que le cycle de la vie, et celui de l'éternel amusement de Rowan Mulciber. Il lui avait dit qu'il le ferait d'ailleurs. Il n'avait juste pas préciser quand et comment. Par contre, McKinnon, ce n'était pas lui. Il regrettait qu'on ait confié cette tâche à ce pleutre de Pettigrew. C'était du gâchis.

Rowan s'avança dans la maison sans un bruit, laissant ses doigts traîner sur les murs et les meubles, marqant les lieux de son passage en dessinant dans la poussière. Il n'y avait pas un bruit. Était-elle vraiment ici ? Il serait déçu de ne pas l'y trouver. Il avait fait tant de chemin pour elle. Il passa une première pièce, puis une autre. Les lieux semblaient abandonnés, pourtant, la présence de la femme imprégnait les lieux. Il sentait son parfum dans le linge, il retrouvait ses habitudes dans le moindre recoin. Les photos sur les murs racontaient sa vie. Une vie joyeuse et pleine de bonheur. Une vie qui le rendait jaloux, lui qui pourrissait dans l'ombre.

Il aurait tant voulu l'avoir.

Il arriva dans le salon et dégaina aussitôt sa baguette. Au fond de la pièce, une silhouette. Il la reconnut aussitôt. Le temps et les épreuves avaient marqué son corps et son esprit, mais c'était elle. Son cœur se serra, sa prise sur sa baguette se fit plus forte. Elle lui tournait le dos. Il retira son masque d'argent pour mieux la voir.

« Mary Macdonald... »

Il avait rêvé de cet instant. Il l'avait fantasmé. A présent qu'il était devenu maître dans l'art de l'Imperium, il pourrait la plier au moindre de ses désirs. Il en ferait sa marionnette. Il lui ferait du mal, il salirait peut-être son corps. Et il la tuerai.

« Il ne manque plus que toi. »

Ainsi, il serait libéré. Il le savait.

mars 1983 (UA) • Englandft. Mary

« Brown ? » qu'il répéta avec mépris. « C'est donc ça ton foutu nom ? »  

Effaré, il haussa les épaules et secoua la tête. Ça le dépassait ! Il ne pouvait pas comprendre. Pire encore, il y avait quelque chose qui clochait dans toute cette affaire... Mais quoi ?

Le mangemort observa à nouveau les lieux poussiéreux, puis reporta son attention sur cette silhouette faible et à bout. Quelque chose clochait. Mary était là, bien réelle, bien debout... Bien vivante. Mais oui. Rowan fronça les sourcils. Comment pouvait-elle vivre dans ce chaos ? Comment pouvait-elle imaginer l'avenir et se bâtir un futur radieux alors que la guerre ravageait tout son monde ? Comment pouvait-elle aimer et être aimé en retour ? Fatiguée, le corps meurtri et à bout, les marques du temps et du désespoir gravées sur son visage et dans sa chair, elle semblait pourtant plus en vie que Rowan.

Pourquoi y arrivait-elle et pas lui ?

Son visage se fendit d'un sourire amer quand elle lui fit une remarque sur sa venue et il jeta son masque sur le côté avec dédain.

« Entre de vieux camarades de classe, pas de secret. » Il dodelina de la tête au rythme d'une musique qui ne résonnait que pour lui, alors qu'il s'avança d'un pas bien trop nonchalant dans la demeure de Mary. « Et puis, je voulais que tu me vois, que nous nous regardions yeux dans les yeux... »

Comme dans une valse. Une valse macabre.

Il se mit à roder dans la pièce principale, n'empêchant pas la petite Mary de rejoindre sa cuisine. Preuve de son arrogance, il détourna même les yeux pour la laisser agir librement et son regard se perdit dans les lieux. Il y avait un petit quelque chose d'intime à se rendre ici, à s'immiscer chez elle... Quelque chose de malsain, aussi. L'esprit de Rowan erra ici et là, perdu entre une réalité décousue et une rêverie tangible. Depuis combien de temps la traquait-il ? Depuis combien de temps en rêvait-il ? Il n'y avait pas plus jouissif que ce bref instant d'euphorie juste avant la victoire.

Il frappa des mains et pivota vers elle avec un sourire radieux, franchement illuminé.

« Va pour le thé ! » Il s'invitait, mais Mary avait-elle vraiment la possibilité de refuser ? « N'essaye pas d'y mettre un quelconque poison, nous savons tous les deux que les mauvaises herbes résistent à tout. »

Parlait-il d'elle ? Parlait-il de lui ? Toute l'ironie de la plaisanterie tenait en cet infime doute. Un gloussement fila d'entre ses lèvres et il fixa la jeune femme de ses yeux brillants, comme un enfant attendant l'approbation de ses parents, comme un amoureux languis qui n'espère plus que l'attention de sa belle, comme un fauve affamé scrutant sa proie.

Il la détailla encore et encore, alors qu'elle lui posait la question. Evidemment, elle savait pourquoi il était là, mais se précipiter gâcherait sa soirée. Il avait tant attendu, à présent, il voulait en savourer chaque minute, chaque seconde, chaque cri, chaque hurlement.

« Je veux jouer, Mary, lui confia-t-il dans un souffle. Jouer comme on n'a jamais jouer. »  

Et gagner.

mars 1983 (UA) • Englandft. Mary

« Mary Mulciber ? » s'offusqua-t-il à la remarque insensée de la jeune femme. « Par pitié, épargne moi ce genre d'immondice ! »

Une sang de bourbe dans la prestigieuse famille Mulciber ? Plutôt mourir ici et maintenant ! Il chassa ces propos inconvenants d'un geste de la main et écouta à moitié la suite de ses inepties. C'était le problème avec Mary, elle représentait toutes les belles valeurs de la camaraderie des Gryffondor, tous ces principes niais et pathétique qui lui donnait la nausée. Elle énonçait fièrement des choses trop vagues et sans véritable importance, et les défendait bec et ongle.

« Quelqu'un de bien ? » Rowan haussa les épaules tandis que son regard alla se perdre sur l'un des cadres photos ornant le mur. « Qu'est-ce que c'est, au fond, être quelqu'un de bien ? »

Suivre des valeurs, des principes dits "moraux" sur lesquels tout le monde s'étaient mit plus ou moins d'accord pour vivre en harmonie ? Aider les autres, les protéger, les aimer ? Faire le bien ? Ne pas voler, ne pas blesser, ne pas tuer ? Ne pas faire le mal ? La nuance entre les deux étaient trop floue, Rowan peinait à la voir. Il ne la comprendrait sans doute jamais. Il ne voulait même pas essayer.

Un soupir fila entre ses lèvres et il s'avança à son tour jusqu'à la cuisine. Le Mangemort s'adossa dans l'encadrement de la porte avec nonchalance. Il gardait sa baguette dans sa main et glissa l'autre au fond de sa poche. La vile Mary lui tournait le dos, comme si le danger ne rodait pas tout près d'elle. Rowan était navré de constater qu'il ne l'effrayait plus. Il l'avait poussé à bout, serait-elle encore capable de couiner de douleur ou de le supplier pour sa vie ? Ou avait-elle simplement abandonné la partie ? Il la détailla, trouva que sa silhouette était encore plus maigre et fragile qu'avant, pourtant, l'envie était toujours là. Celle de lui faire du mal, celle d'empoigner sa chair, de l'ouvrir, de la faire saigner... De la réduire à néant.

La petite pique de Mary fut comme le dernier sursaut d'une victime agonisante, mais elle prouva soudain quelque chose d'important à Rowan : elle pouvait encore se battre. Le Mangemort grimaça, piqué au vif. S'il avait longtemps excellé dans l'art des potions, cela ne valait rien sans les conseils et la reconnaissance de Severus Snape. Aujourd'hui, il n'avait plus ni l'un ni l'autre. Severus s'était éloigné de lui. Il l'avait abandonné. Leurs chemins s'étaient séparés, ils n'avaient pas pu emprunter la même voie... Rowan lui en voulait tellement.

Il ravala sa salive et décida que le silence serait la meilleure des réponses. Mary cherchait à le pousser à bout pour en finir le plus vite possible et, lui, il voulait jouer. Quand elle revint au salon, il la laissa passer. Son regard traîna sur son corps et il se détacha de la porte pour la rejoindre et prendre place face à elle.

« Perdre n'est pas dans mes habitudes, tu devrais le savoir. »

Il chassa la poussière sur la table d'un geste dédaigneux de la main puis départagea les deux tasses en récitant dans sa tête une comptine enfantine. Am stram gram... Son index s'arrêta sur celle de gauche et il s'en empara quand Mary reprit la parole. Intrigué, il releva les yeux vers elle et plongea son regard dans le sien. Il ne l'invita pas spécialement à aller au bout de sa pensée, sachant que la sale garce poursuivrait quoi qu'il dise. Ce qu'elle fit. Au contraire de ce qu'on pouvait croire en voyant le manque flagrant d'instinct de survie chez la jeune femme, Mary connaissait bien ses leçons. Elle connaissait par cœur les sujets à ne pas aborder avec Rowan Mulciber et prenait un malin plaisir à les citer un à un.

Tout d'abord Severus Snape, puis Angus Mulciber.
Les mots frappèrent plus fort que ce qu'il aurait cru. Elle le comprenait mieux que lui-même.

Rowan repoussa la tasse avec rage. Elle fila au travers de la pièce et alla s'exploser contre le mur du salon. Emporté par son élan, Rowan s'était relevé. Les mains plaquées sur la table, il toisait la sang-de-bourbe de toute sa hauteur et ne la quittait pas des yeux.

« Tu vois, Mary, la principale différence entre toi et moi, c'est que je n'ai besoin de personne. » Sa voix tremblait, et il prit sur lui pour articuler chacun de ses mots et garder son calme. « Je n'ai pas besoin d'un père aimant qui dirait "bravo" à chacun de mes exploits, je n'ai pas besoin d'amis à protéger et qui me protègeraient en retour... Et je n'ai même pas besoin de Lord Voldemort pour me dicter ce que je peux faire ou non ! » Il haussa le ton, trahissant l'émotion trop forte qui vibrait au fond de lui et grimaça un sourire pour se reprendre. Sans quitter Mary du regard. Jamais. « Oh non, je n'ai pas besoin des autres. »

Avec les autres, on est toujours déçu. Avec les autres, on est toujours seul.

« Oui, je suis seul, Mary, et c'est ce qui fait ma force. »