The one you used to be (Ft. Rowan Mulciber)

The one you used to be

Tout son monde s'écroulait. Les murailles dressées autour de lui s'érodaient et s'effritaient. Les tours de son orgueil et de sa confiance vacillaient et s'effondraient. L'année précédente s'était terminée sous une avalanche de fiascos, d'échecs cuisants.

L'attaque de Pré-au-Lard avait dévoilé au monde sa faiblesse. Oh, personne n'en avait réellement quelque chose à faire, en vérité, - hormis Severus et sa mère, personne ne s'inquiétait pour lui - mais l'ego meurtri du garçon prenait assez de place pour qu'il s'imagine que le monde entier soit au courant de ses échecs et qu'on le juge pour cela. Il n'avait rien pu faire pour se défendre, une sang de bourbe et une gamine agaçante lui avaient sauvé la vie... Et il n'avait pas pu sauver Severus. Il se détestait pour ça. Pour avoir échoué, pour avoir failli le perdre. Pour être faible.

Et puis, il y avait eu James Potter et le nouvel an. L'acte stupide d'un garçon stupide. Il l'aurait tué sur place, s'il avait pu. Il avait ensuite regretté de ne pas l'avoir fait et il en rêvait encore aujourd'hui. Le seul point positif était que toute la haine de Rowan envers lui-même était à présent amplifiée et dirigée sur le Gryffondor dépravé ; à défaut de se faire du mal, Mulciber avait reprit ses mauvaises habitudes et faisait du mal aux autres.

Mais quelque chose n'allait pas. La douleur dans son cœur n'était pas la même qu'avant.

Assis sous un vieux chêne du parc, accompagné de sa seule solitude, Rowan tournait le dos à l'école. Il ne voulait plus le voir, ce château hanté par ses doutes, ses craintes et ses échecs. Il scrutait l'horizon et la forêt interdite au loin. Ce serait si simple d'y aller, de s'enfuir. Il pouvait donner rendez-vous à son père, là-bas, l'y retrouver pour enfin lui poser toutes ses questions qui le taraudaient, il ne serait pas obligé de revenir... Il n'obtiendrait pas de réponses. On le retrouverait et il se ferait encore une fois punir.

On le brimait. On l'enfermait.

Il soupira. Fermant les yeux, il laissait son esprit divaguer loin d'ici et baissa sa garde. Trop loin dans ses pensées, il n'entendit pas la jeune fille approcher. Ce fut quand elle parla qu'il ouvrit les yeux. Avery.

« Fous moi la paix, Ailys. »

Elle frappait juste, il se détourna avec un soupir agacé. Il ramassa aussi et surtout le carnet qui trainait à ses pieds et le glissa à l'intérieur de sa veste. S'il n'arrivait plus à y écrire le fond de sa pensée, ce n'était pas une raison pour le laisser à la vue d'Avery. Tâchant d'ignorer la demoiselle, il jouait avec les grains d'herbes entre ses doigts blessés. Il s'était habitué aux bandages autour de son bras, ils cachaient la laideur de sa blessure.

Rowan ne voulait pas lui parler, mais le silence l'emmerdait. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais se ravisa aussitôt. Ils n'étaient plus des enfants qui jouent et plaisantent ensemble pendant que les grandes personnes discutent entre elles de choses trop compliquées. Ils avaient grandis. Il n'était même pas sûr qu'ils soient amis. Il soupira une nouvelle fois, plus bruyamment encore.

« Cet endroit est merdique, les gens sont merdiques, il faudrait être fou ou masochiste pour vouloir rester ici. » Il pivota vers elle, les sourcils froncés d'agacement. « Maintenant, si t'as aucune idée de comment se tirer de là sans se foutre en l'air, casse toi. »

The one you used to be

La jeune femme qui lui faisait face et qui squattait son précieux espace vital était décidément pénible et pugnace. Passablement agacé, Rowan haussa un sourcil. Ses propos étaient intrigants, mais il fallait avouer qu'elle marquait un point : tous ces connards qui l'entouraient seraient bien trop heureux - et soulagés - de ne plus avoir Rowan Mulciber dans leurs pattes. Et le concerné n'avait pas pour habitude de satisfaire les désirs d'autrui. Il acquiesça d'un léger signe de la tête, avant de reporter son attention sur la forêt au loin.

Sans surprise, Ailys avait décidé de lui casser les couilles. Elle bavassait encore et encore, sa voix sonnait à son oreille comme le vol strident d'un moustique en pleine canicule. Une belle vermine qu'on n'arrivait jamais à chopper pour l'éclater et la faire taire. Il inspira un bon coup pour réprimer une de ses trop nombreuses et violentes pulsions.

« J'ai des trucs à faire. Des trucs importants et qui ne te regardent pas. »

Pour ponctuer sa phrase, le regard noisette du Serpentard glissa vers sa camarade de maison. Il lui offrit son sourire le plus mielleux... Et le plus faux, par la même occasion. Qu'elle se mêle de ses affaires à elle, avant de venir le faire chier ! Ce qu'il devait demander à son père ne regardait que lui. Il voulait faire parti des premiers qui sauraient et qui comprendraient. Il détourna les yeux.

Il sentit le regard d'Avery sur son bras blessé. Un regard trop curieux, qu'il craignait de voir se changer en pitié lorsqu'elle comprendrait, lorsqu'elle réaliserait l'étendue des dégâts et celle de sa faiblesse. Il referma son poing bandé dans le vide, puis tira sur sa manche pour le cacher. Il ne voulait pas de sa pitié. Jamais. Rowan écouta le reste d'une oreille peu attentive, ne se contentant que d'un vague "hm hm" qui illustrait tout son manque d'intérêt pour la présente discussion. Bien sûr qu'il savait que son comportement attirait l'attention, il n'était pas plus con qu'un autre ! Les professeurs le surveillaient depuis qu'il avait merdé avec MacDonald, ça non plus, ce n'était pas nouveau. Avery ne faisait qu'étaler des évidences et ne lui apportait rien d'intéressant.

Les derniers mots le laissèrent pourtant perplexe. Il fixa la jeune fille dans les yeux, quitte à se perdre dans le bleu de ses prunelles pour essayer d'y déceler le fond de sa pensée. Elle ne pouvait pas être sérieuse, il était évident qu'elle cherchait à lui tirer les vers du nez.

« Sérieux ? » Il souffla du nez, moqueur et arrogant, l'ombre d'un sourire au coin des lèvres. « Et je devrais en être flatté ? Te remercier, peut-être ? C'est très gentil de ta part, mais tu peux garder ton... » Il grimaça au milieu de sa phrase. « ...inquiétude pour quelqu'un d'autre. »