Don't regret the past, just learn from it - ft. Severus

décembre 1976 (UA) • Pré-au-Lardft. Severus

Un tour. Pour l'année écoulée.

Deux tour. Pour la guerre passée.

Cinq tours. Pour Azkaban. Pour les nuits glacées plongées dans le silence. Pour la tristesse mêlée de désespoir. Pour la mort qui n'est jamais vraiment venue. Pour sa vie gâchée.

Dix tours. Pour Azkaban. Pour les années passées à hurler dans le silence. Pour les coups de poing sur les murs. Pour la colère brûlant son cœur. Pour la haine et la vengeance.

Seize tours. Pour Azkaban. Pour Azkaban, Azkaban, Azkaban.

Dix-sept tours. Pour la chute de l'ancien Maître. Pour un rêve éclaté. Pour des promesses et des espoirs brisés. Pour la mort du père. Pour la tristesse de la mère.

Vingt tours. Pour la marque sur son bras. Pour les choix qu'on regrette. Pour ceux qu'on n'a pas fait.

Vingt deux tours. Pour lui.



Dans ses souvenirs, Poudlard était plus majestueuse, plus magique. Au loin, perché sur son tas de roche, le château semblait triste et fade. L'avoir vu brûler - pas assez - changeait peut-être la donne. Avoir grandi changeait tout. Il leva les yeux vers le ciel trop blanc. Les flocons se détachaient des nuages et virevoltaient dans le ciel avant de chuter à ses pieds. Il avait oublié qu'il neigeait, ce jour-là. Les flammes avaient tout rongé.

Rowan Mulciber rangea le retourneur de temps dans la poche intérieure de son manteau. Un tel objet était précieux et il avait payé une petite fortune pour obtenir ce modèle-là : il ne fallait pas qu'il tombe entre de mauvaises mains. Alors qu'il renfilait ses gants de cuir noir, la marque brûlait son avant-bras, signe imminent qu'il fallait le rejoindre et que le chaos allait s'abattre sur le petit village. Il tira sa manche pour la cacher, dissimula son visage sous son masque d'argent. Il devait faire vite.

Pré-au-Lard était en fête, ce jour-là. Elle s'était vêtue de son plus beau manteau blanc. Les rues décorées avec passion, les chants de Noël emportés par le vent, l'immense sapin au cœur de la place principale : tout avait été fait pour que le moment soit unique et mémorable. Et, mémorable, il le serait : la première attaque officielle des Mangemorts. Des cris, du sang, des morts. Les flammes qui dévoreraient tout sur leur passage. La marque des Ténèbres dansant dans le ciel.

Rowan arriva sur place juste à temps. Il fallait prendre gare à ne pas croiser celui qu'il était à cette époque, ce garçon de 17 ans encore trop sot et trop égocentrique pour comprendre sa véritable place dans le monde. Il ne comprendrait que trop tard les leçons de ses échecs et n'atteindrait son véritable potentiel que vingt ans plus tard. Tant d'années gaspillées, tant de temps perdu à ne pas voir ce qui était véritablement important ! Le Mangemort se glissa derrière l'une des boutiques, à l'ombre d'une ruelle. Il entendait les rires et les discussions de ses anciens camarades de classe. Etait-ce James Potter qui faisait le mariole et qui chantait avec les enfants de chœur pour faire son intéressant ? Certainement. Rowan reconnut sa voix de crécelle. Evans ne devait pas être bien loin... Mais ce n'était pas eux qu'il cherchait. A l'époque, déjà, il n'avait aucune idée d'où est-ce que son ami se trouvait. Il l'avait revu dans la bataille, brièvement, avant de se prendre un violent coup sur la tête. Cette fois-ci, il se le jurait, c'était lui qui le sauverait. Soudain, ce fut comme si on lui entaillait le bras. Il serra les dents pour réprimer un grognement de douleur, à l'instant exact où la marque des Ténèbres se dessina dans le ciel. Le signal !

Les Mangemorts déferlèrent dans les rues, brandissant leur baguette et embrasant les toits et les sapins. Rowan sentit son cœur s'emballer dans sa poitrine. Vite ! La ruelle ! Il s'empara de sa propre baguette et s'élança dans les rues. S'il ne savait pas où son ami se trouvait, il savait très exactement où il l'avait vu et où est-ce qu'il l'avait laissé ! Il se baissa de justesse pour éviter un premier sort qui ne lui était pas adressé, contra un deuxième lancé par un vendeur défendant sa boutique. D'un coup de baguette, Mulciber envoya un Bombarda qui explosa la devanture du magasin. Il n'avait pas de temps à perdre avec du menu fretin. Il en avait déjà trop perdu. Il retrouva sans mal la rue dans laquelle, inconscient, on l'avait transporté. En reconnaissant la silhouette de son ami, même de dos, il se stoppa net. Son cœur loupa un battement, Rowan se sentit défaillir. Il vit Severus écrire dans son carnet - son précieux carnet qu'il conservait encore aujourd'hui - et il se souvint exactement de ses mots. Je te promets que je reviendrai te chercher… Reste bien caché. Rowan ne l'avait pas écouté, bien sûr. Mais cela n'avait plus d'importance. Aujourd'hui, il était là pour lui.

Comme une ombre, il se glissa dans le dos de Severus. Il l'enlaça au niveau de la taille et plaqua son autre main sur la bouche du jeune garçon. Sous ses doigts, il sentait son cœur battre à tout rompre, il sentait sa chaleur... Il était vivant. Vivant. Dans un souffle, Rowan tâcha de le rassurer.

« Ne crie pas. Il ne t'arrivera rien avec moi. »

Et il le pensait sincèrement. Il jeta à peine un regard sur le garçon à moitié conscient à leurs pieds, il ne pouvait pas se permettre de se venir en aide à lui-même, et il transplana.


On trouvait au cœur de la forêt interdite un lac azur, d'une clarté éthérée, bercé par la brume. Tout autour s'élevaient les arbres centenaires dont les branchages empêchaient la lumière du soleil de passer, même en hiver. Quelques rayons de lumière se frayaient un chemin dans ce labyrinthe de branches et venaient éclairer la surface du lac. Rowan choisit la rive enneigée comme destination. Il s'était habitué à la désagréable sensation de nausée qui restait toujours au fond de son ventre après avoir transplané, et il supposait que ce premier voyage ne plairait pas à son ami. Il le lâcha dès qu'ils furent à nouveau sur la terre ferme et se recula de quelques pas pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits. Lui-même se sentait complètement perdu.

(Forêt interdite - Poudlard - UA)

Pré-au-lard, un jour de fête. Severus n'a jamais aimé Noël, les rares fois qu'il avait fêté cette fête, c'était quand il était un tout petit enfant et il fêtait Noël orthodoxe, celui du premier janvier. Rien de bon n'en sortait de cette fête, il en gardait de très mauvais souvenirs. Les oublis, les pleurs de sa mère, le ton de son père qui crie et des objets qui se cassent. Pourquoi aujourd'hui serait-ce différent ? Il n'y a pas ses parents, non, Pré-au-lard était en train de se faire détruire par des mages noirs.

Il était là, derrière son muret, à attendre le bon moment d'agir. Il s'était faufilé là où se trouvait son meilleur ami assommé, il devait également protéger Lily pour tenir la promesse à James. Il lui avait écrit une phrase qui ne soupçonnait pas une seule seconde que sa promesse n'allait jamais être tenue : Je te promets que je reviendrai te chercher. Reste bien caché.

Il n'avait pas entendu quelqu'un se glisser derrière son dos. Tout se passa rapidement. Quelqu'un l'avait enlacé par la taille, mit une main sur sa bouche afin de ne pas crier ou de lancer un sort informulé, mais il reconnait la voix entre mille mais c'est impossible, Rowan est devant ses yeux. Quelqu'un sous polynectar, il n'a pas eu le temps de pousser ses réflexions qui se fait pour la première fois transplaner. C'était assez désagréable comme voyage, il se sentait étirer de tout part.

Quand ils arrivèrent à destination, Severus avait une envie de nausée, ses sens sont un peu désorientés, l'esprit en vrac. Il se tient à un arbre le temps de reprendre ses esprits. Il remarqua vite qu'ils étaient dans la forêt interdite, une partie de la forêt qu'il ne connaît pas très bien.

« Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? »

Il se mit en position de défense, la baguette pointée sur lui. Il fronce les sourcils. Loin d’être dupe, il garde sa méfiance naturelle. Severus pouvait détailler un peu l'homme, c'était un de ses mages en noir, les mêmes vêtements et un masque en argent différents selon les individus. Il lança la première attaque par pur instinct, pour juger la puissance de cet adversaire. Les mots lui reviennent en tête :  Ne crie pas. Il ne t'arrivera rien avec moi. Pourtant, s'il ne risquait rien, pourquoi le kidnapper ? Pourquoi l'éloigner loin de la civilisation ?

« Répondez ! Qui êtes-vous ? »

Cette perte de contrôle des émotions ne lui ressemblait guère. Il était encore pas mal secoué par l'attaque, il se faisait du souci pour son meilleur ami, il se faisait du souci pour Lily et il se faisait du souci pour le professeur Trinder qui ne devrait pas tarder à venir aider les élèves.

décembre 1976 (UA) • Pré-au-Lardft. Severus

C'était irréel de le retrouver, de pouvoir se tenir à ses côtés, de lui parler, alors que Severus était mort. C'était comme un rêve dont on ne souhaite jamais se réveiller. Le plus beau des rêves. Au travers des fentes de son masque, Rowan scruta le visage de son meilleur ami et le retrouva comme au premier jour. Il n'avait pas changé, pareil à ses souvenirs, quoi qu'un peu différent si on s'y attardait vraiment. Le Severus déboussolé par le transplanage qui se tenait devant lui n'était pas l'être éthéré qu'il admirait en secret, pourtant, il y avait encore un peu d'innocence en lui. Son regard ne s'était pas terni à la lueur des brasiers qu'ils allumeraient, ses yeux n'avaient pas vu la mort en face et on ne l'avait pas encore obligé à la donner.

Le Mangemort se redressa, impérial malgré lui, et balaya les environs du regard. A cette distance de Poudlard et du village, ils étaient en sécurité. Personne ne devrait venir les déranger et si l'une des nombreuses vermines qui pullulaient dans ces bois se décidait à venir les emmerder, Rowan l'éliminerait sur le champ.

Un bruit attira son attention et il fit volte-face. Il avait baissé sa garde, ne considérant pas Severus comme une réelle menace, et ce dernier en avait profité pour se ressaisir et s'emparer de sa baguette. D'une insolente nonchalance, Rowan para aussitôt l'attaque de son ancien camarade de classe et dévia d'un geste expert le sortilège en direction d'un arbre. Avec la guerre, il s'était hissé au rang des mages noirs qu'ils craignaient et admiraient à leurs dix-sept ans. Entrainements acharnés et pratiques assidues l'avaient rendu aussi puissant que dans ses rêves les plus fous.

Pourtant, il ne l'était pas encore assez. Il n'avait pas pu le sauver.

Malgré tout, il n'était pas là pour lui faire du mal. Rowan leva ses mains en signe de paix. Il prit soin de montrer sa baguette à Severus, avant de la glisser dans la poche intérieure de son manteau pour lui prouver qu'il n'avait aucune mauvaise intention à son égard. Il n'en aurait jamais.

« Tu risques de ne pas me croire, Sev', tu es trop rationnel pour ça. » On devinait au travers de sa voix le sourire qui étirait ses lèvres.

Toujours avec prudence et lenteur - le but n'était pas de faire un geste brusque et de se prendre un sectumsempra dans l'abdomen - Rowan porta sa main à son visage. Il attrapa son masque d'argent, défit les liens avec soin, et le retira. Ses boucles rousses retombèrent devant ses iris noisettes et il plongea son regard dans celui de Severus.

« Je suis Rowan Augustus Mulciber. »

Son cœur battait à la chamade, le coin de ses lèvres s'étiraient en un sourire qu'il peinait à contenir. Il jubilait. D'une certaine manière, la situation lui plaisait et il se délectait de ce petit sentiment de suprématie qui l'enveloppait. Il se sentait comme un roi déchu revenant sur ses terres avec triomphe, comme un dieu tant vénéré qui éclairait enfin ses fidèles de sa présence.

« Si tu ne me crois pas, pose-moi n'importe quelle question. » Il écarta les bras, se pliant volontiers à un petit jeu de questions réponses si cela pouvait convaincre son ami. « Les mots de passe de Lewis pour délivrer Pluto, le nombre de hiboux que ton père a tué et blessé pendant les vacances, ce que nous nous sommes dit dans ce couloir lors de notre première année... » Il ravala sa salive au milieu de sa tirade, soudain saisit par le doute. Et si cela ne suffisait pas ? Il s'arma d'un nouveau sourire pour chasser son trouble. « Ce que tu veux, n'importe quoi, un secret dont nous sommes les seuls gardiens. »