Darkness, from now on you will be light for me. (Rowan & un peu clément)

(Infirmerie - Poudlard - 23/12/1976)

Tout est encore brumeux quand j’ai senti une main chaude posée sur la mienne. Une chaleur douce est réconfortante, celle d’un adulte, machinalement, je serre cette main qui me semblait familière. Les parents peuvent venir à Poudlard ? Non, impossible, vu ce qu’il s’est passé, ça serait dangereux de faire venir les parents ici et puis mon père est un moldu, il ne peut pas venir et s’il pouvait… il ne viendra pas, Tobias Snape ne viendra jamais. Je tourne lentement la tête vers cette main chaleureuse, c’était bien celle d’un homme. Les yeux légèrement entrouverts, j’essaye de deviner la personne présente et il n’avait pas les cheveux roux, finalement mon père est venu, il s’inquiète pour moi, le professeur Trinder. Je ne sais pas si c’était l’effet du mélange des potions qui me fait délirer, j’essaye de parler, ma gorge me fait mal, mais je parviens à sortir quelques syllabes tout en luttant contre le sommeil. « Pa…pa. »

Tout est encore plus ou moins brumeux. La salle de l’infirmerie est plongée dans le noir, j’ai toujours aussi mal au dos, mais je peux aisément me redresser, passant une main sur mes cheveux plus gras que d’habitude, je me demande combien de temps ai-je dormi. Un coup d’œil rapide vers la fenêtre, l’obscurité est totale et la lune gibbeuse qui indique que l’astre lunaire sera bientôt plein d'ici à quelques nuits. Il y a quelques élèves et quelques adultes qui occupaient des lits tous séparés par des rideaux, j’avais de la chance d’être situé près de la fenêtre, la vue donnant vers le lac est superbe quand les reflets de la lune s’y reflètent. Une respiration profonde est lente attira mon attention, une masse de cheveux roux et bouclés, Rowan dort à mon chevet et je suis soulagé qu’il aille bien physiquement. Cet idiot, il va se faire punir s’il se fait prendre. D’une geste doux, et délicat, j’effleure l’une de ses boucles cuivrées, le voir aussi endormi me donne un sentiment d’apaisant et rassurant. Il contraste tellement entre le jour et la nuit, entre l’éveil et le sommeil, il paraît si fragile et délicat, tel un ange.

Il n'y arrive pas. Il n'arrive pas à penser à autre chose et la pauvre infusion à la passiflore ne lui sert fichtrement à rien, si ce n'est à lui brûler le palais et la gorge. Il se relève de sa chaise et il fait les cent pas dans la pièce. Il ne tient pas en place. Il n'y arrive pas. Il ne tient pas debout non plus, mais il ne veut pas aller dormir. Il sait que ces songes ne seront pas plus apaisés que lui et ils le terrifient. Il a rêvé de sa mère, pire, il a rêvé de son père.

Dès qu'elle a un instant de libre, il file voir l'infirmière et le questionne sur l'état des élèves. Oh, il fait ça surtout pour le principe et pour masquer sa véritable inquiétude. Elle devine sans mal pour qui il se fait du souci - voilà deux heures qu'il tourne autour du lit du pauvre Severus Snape, et trois jours qu'il répète le même spectacle désolant - et elle le rassure avec quelques murmures et de doux sourires. Cela ne fonctionne qu'à moitié, mais il la remercie poliment. Au moment où il souhaite prendre congé, elle le retient. Avec tendresse saupoudrée de remontrances, elle lui conseille surtout de prendre soin de lui.

« Ne vous en faites pas. »

Encore un sourire poli, puis il retourne s’asseoir. Il boit un peu, grimace. Sa tisane est immonde. Pourtant, il n’a rien trouvé de mieux pour calmer ses nerfs. Il essayera sans doute la valériane dans quelques jours, et il ne veut pas entendre parler de l’aubépine. Il a d’ailleurs conseillé l’infirmière au sujet de plantes utiles pour combattre les brûlures… Et elle l’a gentiment envoyé paître. Elle sait ce qu’elle fait, telle était son excuse. Et lui, il ne sert à rien.

Dans un soupir, il se confie à ce pauvre garçon qui ne peut pas l'entendre.

« Je suis désolé. »

Désolé de quoi ? De ne rien faire ? De n'avoir rien fait ? De ne pas avoir été là quand il le fallait ? Mais voyons, Clément, aurais-tu pu vraiment y faire quelque chose ? La petite voix dans sa tête l'emmerde, elle prend celle de l'autre idiote. On ne peut pas s'en vouloir pour quelque chose qu'on aurait pas pu faire, c'est ce que tante Debbie lui avait dit six ans plus tôt, et il trouve toujours que ce sont des conneries. Être aussi impuissant l'emmerde.

Il récupère sa tasse et boit une nouvelle gorgée comme si cela pouvait chasser l'amertume de ses pensées. Le liquide brûlant coule dans sa gorge et dans son œsophage et le fait grimacer. Sa tisane est immonde, il l'a déjà dit. Il repose la tasse et retire ses lunettes. Il passe sa main sur son visage pour se ressaisir, ses doigts remontent dans ses cheveux qu'il chasse en arrière dans un soupir. Rien ne va, il ne tient pas en place. Alors qu'il remet ses lunettes, il jette un regard en direction du garçon endormi. Pauvre garçon.

Sans véritablement comprendre pourquoi, Clement approche sa main de celle du garçon. C'est étrange, on dirait qu'une voix lui souffle quoi faire, comme s'il sentait que son élève en avait besoin. Rien de rationnel là-dedans, il s'en étonne lui-même. Mais il le fait. Il pose sa main sur celle de Severus. Les doigts du garçon sont glacés sous les siens. Jasmine disait qu'il avait les mains chaudes et chaleureuses. Qu'elles consolaient plus que des mots. Qui sait ? De toutes façons, il n'avait jamais été doué avec les mots.

Soudain, Severus lui rend l'étreinte. C'est infime, c'est inespéré ! Clement écarquille les yeux de surprise et n'ose y croire. L'ombre d'un sourire lui échappe. Le coeur gonflé de joie, sans lâcher sa main, il se tourne et cherche l'infirmière du regard pour lui annoncer la bonne nouvelle. C'est là que la voix de Severus rompt le silence.

Il ne dit qu'un mot, mais c'est suffisant.

La muraille qu'il s'est bâti autour de lui se fissure et vacille, à moins que ça ne soit le sol qui tangue sous ses pieds. Clement ne peut pas se tromper, il a bien entendu, mais une partie de lui le refuse. Il aurait dû être soulagé, heureux, même, mais il n'y arrive pas. Il ne veut pas. Il ne le mérite pas.

Il déglutit, libère les doigts du garçon et se relève.

« ... Repose toi. Je reviendrai demain. »

Severus semble trop dans les vapes pour véritablement l'entendre, mais dans le doute, il préfère lui dire à voix haute... Au cas où. Et il s'enfuit. C'est trop. Trop de responsabilités qu'il ne se croit pas capable d'assumer, trop d'affection ou d'admiration qu'il s'interdit de recevoir. Il ne le mérite pas. Il n'a rien fait pour tout ça. Il n'est pas celui que Severus voit.

A pas pressés, il quitte l'infirmerie et manque même de bousculer le jeune garçon qui s'y glisse. Il faut qu'il en parle à quelqu'un. Pas à Alma, ni à May. Tante Debbie va se moquer, mais c'est peut-être la seule qui pourrait comprendre à quel point cela le trouble.

Severus l'a appelé papa.

Darkness, from now on you will be light for me.

Ses pieds nus foulaient le sol glacé de Poudlard. Le contact avec les dalles froides et grises l'ancrait un peu plus dans la morbide réalité, alors que son esprit cherchait en vain à s'échapper. Les images de la veille se bousculaient dans son esprit, comme si la bataille ne s'était jamais vraiment achevée. Il entendait encore le fracas des sortilèges et des explosions, les cris et les sortilèges résonnaient dans son crâne, et frappaient, et frappaient encore, sinistre écho de la douleur qui pulsait encore un peu dans sa tempe. Son bras droit, lui, était engourdit par la douleur et les baumes analgésiques. Il ne le gênait plus, il ne le sentait plus. Pour l'instant.

Il ne parvenait pas à dormir, il n’y parviendrait pas tant qu’il n’aurait pas eu la certitude que Severus était sain et sauf. On l'avait chassé de l'infirmerie avant qu'il n'ait le temps de le vérifier. Soit disant que sa blessure était "légère", plus que celle des autres en tout cas, et qu'ils manquaient de place. Dans les faits, on lui donna de quoi apaiser la douleur à son bras et on l'envoya dans son dortoir. Il n'y était pas resté. Et on l'avait encore chassé.

Il se glissa dans l'infirmerie dès le lendemain, en fin de journée, quand les gens se faisaient moins nombreux et que l'infirmière baissait sa garde. Il longea les lits un par un, vérifiant le visage de leurs occupants. Il n'en cherchait qu'un, et il ne le trouvait pas. Son inquiétude grandissait au fur et à mesure de ses échecs. Peut-être que Sev' avait été envoyé à Sainte-Magouste ? Peut-être qu'il... Rowan se mordit l'intérieur de la joue et pressa le pas. Arrivant non loin de la fenêtre, il ralentit le pas. Dehors, le soleil sombrait derrière l'horizon et teintait le ciel de rose. Ses rayons se frayèrent un chemin dans la pièce et, tel un signe divin, lui désignèrent un lit.

« Severus...? »

Sa voix s'étouffa dans un murmure à peine audible et personne ne lui répondit. Rowan ravala sa salive, comme si cela pouvait chasser l'angoisse qui s'était nichée au creux de sa gorge. Les doux rayons du soleil caressaient ce visage qu'il ne connaissait que trop bien. Il le reconnut aussitôt.

Il s'approcha du lit avec hésitation. Un pas après l'autre. Il redoutait cet instant et la vision qui l’attendait. Allongé dans son lit, plus blafard qu’à l’accoutumé, Severus semblait mort. Cette pensée fugace suffit à serrer le cœur de Rowan de peur et d'angoisse. L’étrange boule coula le long de sa gorge et se logea dans sa poitrine, pressant sur son cœur et ses poumons pour l’empêcher de respirer. Même son bras ne lui faisait pas aussi mal.

Ses doigts glissèrent sur le poignet de son ami. Ils frôlèrent tout d'abord le dos de sa main avant de se glisser sur son avant-bras. Avec une délicatesse surprenante de la part de l'explosif Mulciber, Rowan serra le poignet de Severus entre ses doigts, appuyant la pulpe de son index et de son majeur contre les vaisseaux sanguins de son ami. Il retint sa respiration, surveillant celle de Severus et les infimes mouvements de son torse. Une. Deux. Trois secondes. Arrivé à cinq, le soulagement l'envahit quand il sentit enfin le cœur de son ami pulser sous ses doigts. Severus dormait.

Rowan retira sa main, alors qu'il fut saisit par un indescriptible sentiment. Il ferma les yeux dans une grimace mal contenue, plaquant ses mains sur sa bouche pour étouffer un sanglot qui trahirait sa détresse. Il se recula, étouffé par la honte de son propre chagrin. Pourquoi pleurer ? Severus était en vie ! Oh, il était tellement soulagé ! Il avait eu tellement peur…! Il ne pouvait pas lutter contre le soulagement qui le prenait aux tripes, des larmes roulèrent sur ses joues.

Winona avait pourtant été très claire. Un Mulciber ne pleure pas.


Rowan rendit visite à son ami jour après jour, guettant inlassablement le moindre signe d'amélioration. Ce jour-là, il croisa le professeur d'arithmancie qui venait ici aussi souvent que lui, si ce n'est plus. Ils ne se parlaient pas et se contentaient de silences entendus concernant l'état de Severus.  En fonction des grimaces de l'un et des sourcils froncés de l'autre, ils en tiraient des conclusions plus ou moins positives. Ce jour-là, Trinder semblait troublé, il ne l'avait pas salué. Rowan prit sa place sur la chaise et monta la garde à son tour.

Il avait sombré dans un lourd sommeil peu de temps après. A force de veiller sur son meilleur ami jour et nuit, la fatigue l'avait rattrapé et Rowan s'était endormi à son chevet. Appuyé sur le matelas, la tête posée sur ses bras croisés, il dormait.

Pour autant, les images dans sa tête n'avaient pas cessé de le harceler. Ses rêves étaient étranges. Il ne revoyait pas forcément l'attaque, parfois, ses songes étaient simplement angoissant, des ombres étranges qui rodaient non loin de lui et qui l'attaquaient dans son dos. L'une d'entre elles avait même la voix de son père. D'autres fois, comme cette fois-ci, il se retrouvait au milieu du village enflammé. A l'explosion de trop, il se réveilla en sursaut.

Il balaya les environs du regard, cherchant un point d'accroche, un repère rassurant auquel s'agripper. Son regard croisa celui de Severus. Les lèvres entrouvertes, le souffle court, il se perdit dans les yeux de son ami. Cette vision éthérée brillant sous les rayons de lune finit par l'apaiser.

« Severus, je... »

Il était vivant. Severus était vivant. Tout allait bien.

(Infirmerie - Poudlard - 23/12/1976)

La douleur ne s'estompe pas. J'ai toujours cette sensation de picotement et de brûlure au bas du dos, sans compter que j'ai l'impression que mes muscles pèsent une tonne, que le moindre effort me coûte toute mon énergie, encore sous l'effet des calmants de Pomfresh qui ne sait pas très bien doser, apparemment. La sérénité de la nuit, les bruits des hiboux à l'extérieur, l'atmosphère d'une nuit de presque de pleine lune me calme, et me pousse à la réflexion. Ce genre de nuit féerique et sereine qu'il est impossible de penser autre chose à la nostalgie mais pour autant, je ne fais que de penser à cette journée-là.

Prenant une des boucles cuivrée de Rowan, je me perds dans mes pensées. L'attaque de Pré-au-lard me revient inlassablement en tête en me questionnant sur ses étranges sorciers en noirs. Ils avaient utilisé des sortilèges puissants, ils avaient lancé des sorts impardonnables comme ci c'étaient des sorts basiques. Ils m'intriguaient, ils veulent qu'on les rejoigne. Un monde dans lequel les sorciers seront reconnus à leur juste valeur, en les rejoignant, je pourrais apprendre des sorts aussi puissants ? Quels sont leur but ? Pourquoi attaquer aussi des sangs purs ? Rowan voudra aussi les rejoindre ? Certainement, il voudra en apprendra davantage que moi, voir plus.

Combien de temps, il est resté là à mon chevet ? Merci, par Merlin, il semble être en forme physiquement et il n'est pas trop blessé. Savoir qu'il était resté autant de temps à mon chevet me touche, réveillant en moi des sentiments que je ne pensais pas un jour ressentir autre que Lily. Ce genre d'effet m'arrive uniquement quand elle était à mes côtés, quand je la voyais sourire face à une potion réussite, ou quand elle me posait des questions sur l'école et le monde des sorciers. Pour une raison qui m'échappe, cela me fait extrêmement plaisir, bien plus que d'ordinaire. C'est normal d'être aussi ému ? C'est mon meilleur ami... c'est forcément normal.

Je l'entends bouger un peu avant de sursauter, par réflexe, j'enlève ma main. Son regard croise le mien, les reflets de la lune brillante donne un peu de lumière dans cette grande salle. Même sous les rayons de la lune, je ne peux m'empêcher de le comparer à un ange déchu, comme celle des œuvres d'arts des plus grands peintres du XVᵉ siècle.

« J'ai dormi combien de temps ? » dis-je d'une voix enrouée.

Pris d'une quinte de toux, je n'avais pas réalisé que ma gorge était aussi sèche que le désert du Sahara. De l'eau. Il me faut de l'eau.

Rowan est vivant.
Rowan va bien.
Je vais bien.

Darkness, from now on you will be light for me.

Il aurait pu le regarder encore longtemps. Etudier chaque traits de son visage et les découvrir comme si c'était le premier jour, se perdre dans l'encre de son regard et s'y noyer volontairement... Les secondes passèrent. Le souffle de Rowan se calma peu à peu, les battements de son cœur s'apaisèrent. Il oublia les cauchemars, les explosions et les flammes. Il oublia ses doutes. Rien d'autre n'avait d'importance puisque Severus était là. Vivant.

Ce fut son ami qui rompit le silence le premier. Rowan ravala sa salive et tâcha de rassembler ses esprits pour lui donner une réponse cohérente et précise. Combien de temps avait-il dormi ? A vrai dire, il n'avait pas compté. L'inquiétude avait étiré les minutes et les heures, mélangé les jours et les nuits. Mais il n'eut pas le temps de la réflexion. A peine eut-il parler que Severus fut prit d'une quinte de toux. Rien de grave, bien sûr, mais l'imagination fertile de Rowan lui fit craindre le pire et il écarquilla les yeux, gagné par la panique.

« Ah…! Merde ! Attends…! »

Il balaya les alentours du regard. Ne trouvant rien d'utile à proximité, hormis la tasse du professeur Trinder, Rowan se leva d’un bond. Il fit quelques pas hagards dans la pièce et s’approcha d’un chariot sur lequel reposaient verres et carafe d’eau claire. Alors que ses doigts tremblaient, il servit un verre à son ami et retourna à son chevet pour le lui tendre et apaiser le feu dans sa gorge sèche. Il ne lâcha pas le verre pour autant. Tout en glissant sa main dans le dos de son ami, juste là, sur son omoplate, il l’aida à s'hydrater en tenant le verre de son autre main, avec lui. Ses doigts sur les siens.

« Là… Doucement… »

Rowan se découvrit une tendresse qu'il ne se connaissait pas. Il aurait pu s'en offusquer ou, pire, vouloir la cacher au fond de lui, mais il n'en fit rien. Peu importe si quelqu'un le voyait ou le jugeait ! Il n'avait que faire des autres ! Il scruta les réactions et les gestes de son ami avec attention, tout en restant sur le qui vive. Il jeta un coup d'oeil vers l'infirmière et, s'il ne voulait pas que cette pauvre femme les interrompe, savoir qu'une personne plus compétente que lui se trouvait à proximité le rassurait.

Une fois son ami désaltéré, Rowan reposa le verre dans un soupir. Il le lâcha à contre coeur et se réinstalla au bord du lit. Une, deux... Trois secondes à l'observer et à vérifier que tout allait bien, puis il se décida à lui répondre.

« On est le… » Il compta sur ses doigts couverts de bandages. « Le 23. Tu as beaucoup dormi. » Beaucoup trop. Rowan marqua une pause et fixa ses doigts alors qu'il hésitait à dire le fond de sa pensée. Finalement il se ravisa. Pour une fois, ce n'était pas lui qui était important. « ... Comment tu te sens ? »

Il grimaça, les sourcils froncés d'inquiétude.
Tu ne te réveillais pas, disait son regard. J'ai eu peur, disait son cœur.

(Infirmerie - Poudlard - 23/12/1976)

Prise d'une quinte de toux effroyable qui lui prend d'un coup, mon ami alla me chercher un verre d'eau que je peine à boire au début mais que j'arrive à finir d'une traite avec son aide. Sa main chaude et réconforte me procure une sécurité et une tendresse que j'apprécie, c'est dommage qu'il ne laisse pas entrevoir cette facette de lui aux autres. « Merci... »

Merci d'être là.

« Pas trop mal, je pense. » Mon regard se perd dans le vide, bon, je suis encore pas mal shooté aux potions anti-douleurs et le bas de mon dos me picote encore. Je me souviens à peu près de tout, je me replonge dans mes souvenirs pour chercher des détails de l'attaque, ce symbole au ciel et la cause cet attentat. Je lève les yeux vers Rowan.

« Qui était ces gens en noirs ? »

Il en saura moins que moi, peut-être qu'il aura remarqué des choses que j'aurais moi-même loupé. Ce qui a attiré mon attention, c'était la puissance de leur attaque, et cette demande pour les rejoindre, pour l'instant ça ne m'intéresse pas. Ce sont, à mes yeux, qu'une bande de terroristes qui n'était là pour du massacre pur et simple, de la folie folle furieuse, rien de plus. Quelles sont leurs réelles intentions ?

« Ils reviendront, c'est certain. On n'en a pas encore fini d'en entendre parler. Tu as vu leur puissance d'attaque ? Il y en avait un qui avait utilisé un des sorts très puissant » D'un geste tendre, il posa sa main sur les doigts couverts de bandages de Rowan comme pour prendre un peu de sa douleur, je lui demande tendrement ; « Tu n'as pas trop mal ? Il s'est passé quoi ensuite ? Tu étais passé où, après ? »

Darkness, from now on you will be light for me.

Qui était ces gens en noir ?

Telle était la question qui le hantait depuis ces derniers jours. Il voyait encore leurs silhouettes filer dans les rues de Pré-au-Lard, leurs masques d'argent briller à la lueur des flammes et des sortilèges interdits. Et comment oublier leur symbole dans le ciel ? Ce crâne à la gueule ouverte d'où jaillissait un serpent... Qui étaient-ils ?

« Je ne sais pas. » avoua Rowan. Pas encore, précisait son regard. Il devait envoyer une lettre à sa mère, demander à discuter avec son père. « Je sais simplement qu'ils servent un certain "Seigneur des Ténèbres"... »

Un nom cruellement pompeux, si vous vouliez son avis. C'était comme s'auto-proclamer Maître du Chaos ou Empereur de la Destruction : cela flattait l'ego, pouvait faire peur aux plus faibles, mais en plus de faire nom de méchant de dessin animé, cela manquait d'élégance et de charisme.

... Quoi que, si c'était lui que l'on nommait ainsi, Rowan en serait plutôt satisfait.  

Severus reprit la parole et l'héritier Mulciber l'écouta avec attention. Son ami disait tout haut ce qu'il n'osait confier à personne de peur d'être qualifié de fou ou de dangereux psychopathe. Bien évidemment que ces mages noirs étaient surpuissants ! Leur maîtrise des sortilèges et leur rapidité avait laissé Rowan sans voix, il avait jalousé leur puissance et leur liberté... En un seul coup de baguette, sans hésitation ni remords, ils avaient tué un homme sous ses yeux.

Il acquiesça d’un vague hochement de la tête, puis son regard glissa sur leurs mains, sur les doigts de Severus qui tenaient les siens. Rowan eut soudain envie de les retirer, par honte, par crainte que son ami voit ses blessures et qu'il le prenne en pitié… Mais le lâcher ? Après tout cela ? Plutôt crever.

Encore une fois, son meilleur ami lui posait des questions auxquelles il était difficile de répondre. Si dans le premier cas, il ne savait effectivement rien, ce coup-ci, il ne voulait pas aborder le sujet de sa faiblesse et de ses échecs.

« J'ai trouvé ton carnet... » Et il n'avait pas suivit ses conseils. « Ensuite, j'ai croisé Lewis en te cherchant, puis les professeurs sont arrivés et ils ont affronté les mages noirs pour nous aider à rejoindre Poudlard. »

Il haussa les épaules, serra les doigts de Severus entre les siens.

« J’ai sans doute moins mal que toi. »