En apesanteur - ft. Rita

En apesanteur

En cette tranquille soirée de septembre, peu nombreux étaient les élèves qui bravaient les couloirs de Poudlard. L'heure du dîner sonnerait dans un quart d'heure, tous les petits gourmands et autres estomacs affamés se rassemblaient déjà dans la Grande Salle. Rowan n'avait jamais été un grand mangeur, il se délectait plutôt des pleurs de ses petits camarades qu'il malmenait - ou de sombres poèmes et nouvelles qu'il dévorait en secret.

Vil prédateur, il rodait dans les couloirs à la recherche de sa proie. Sa trop grande cape noire flottait derrière lui à chacun de ses pas, soulignant sa longue silhouette fine et sinistre. Son œil vif se baladait à droite à gauche, à la recherche de celui ou celle qui serait, pour ce soir, une délicieuse source d'amusement. Impossible pourtant de mettre la main sur miss MacDonald, et encore moins sur miss Evans... Mulciber s'agaçait. Sentant qu'il atteignait ses limites, il décida de faire demi-tour et de retrouver son meilleur ami.

La présence de Severus l'apaiserait, il le savait. Mulciber quitta le sixième étage et s'engouffra dans l'escalier qui le conduirait un étage plus bas.

A peine eut-il descendu quelques marches que l'escalier vira sur la droite. Rowan se rattrapa à la rambarde pour ne pas chuter et il y resta agrippé le temps que les marches mouvantes cessent leur petit caprice. Le sommet de l'escalier se stoppa net, face à un mur. D'un coup d'œil par dessus son épaule, Mulciber vérifia que ce petit jeu stupide était bel et bien terminé. Il détestait ces escaliers, il ne comptait plus les fois où ils l'avaient envoyé au mauvais étage !

Roulant des yeux, il pressa le pas et bouscula la jeune fille blonde qui se trouvait au milieu de son chemin. A cet instant, comme un mauvais coup du karma ou une punition divine, le bas de l'escalier se mit en mouvement. Se retrouvant soudain face au vide, Rowan recula brusquement. Son pied heurta la marche derrière lui et il chuta sur les fesses, non sans un grognement de protestation.

Impuissant, il se laissa balader une nouvelle fois par cette entité plus forte que lui. L'escalier dessina un étrange angle de quarante-cinq degré avant de s'arrêter pour de bon, secouant ses pauvres passagers une dernière fois. Suspendu au-dessus de rien, l'escalier formait alors une diagonale reliant un mur à rien du tout. Impossible de rejoindre l'escalier, mais, surtout, impossible de le quitter.

S'appuyant sur la rambarde, Rowan se remit sur pied. Il se pencha en avant, jugeant le vide et les autres volées de marches qui se déplaçaient sous eux.

« Et merde ! »

Le juron lui échappa, alors que l'infâme évidence s'imposait à lui : ils étaient coincés.

En apesanteur

Le temps filait toujours trop vite quand la blondinette était à la bibliothèque et elle avait dû déjouer le sortilège de l'ancienne bibliothécaire pour pouvoir parcourir sans se faire attaquer l'unique exemplaire des théories de la métamorphose transsubstantielle. Ce maudit grimoire ensorcelé adorait donner des coups sur la tête d'une lectrice non avertie et un simple finite incantatem ne suffisait pas à annihiler les effets de cet enchantement protégeant ce savoir dangereux pour les amateurs de cette discipline.

Ayant pris des notes sur les premiers chapitres, Rita fut contrainte de le reposer sur l'étagère et elle savait qu'il serait de nouveau enchanté quand elle le reprendrait le lendemain. Avide d'en apprendre plus sur la transfiguration, elle était prête à subir les pires maléfices pour accroitre ses connaissances. L'école africaine Uagadou offrait à leurs élèves des cours sur l'autométamorphose et ils étaient capables de modifier la structure de leur peau. Beaucoup devenaient des animagi et se transformaient en animaux de la savane comme des éléphants ou des léopards. Ils étaient bien plus impressionnants qu'elle ne le serait jamais sous sa forme animalière.

Le dîner allait être bientôt servi dans la grande salle et les plats cuisinés par les elfes de maison étaient bien trop riches et gras à son goût. Adepte du contrôle, elle comptait les calories qu'elle ingurgitait pour conserver cette apparence de perfection qu'elle affichait quotidiennement. Descendant l'escalier du sixième étage d'une démarche toujours élégante et mesurée, celui-ci n'en fit encore qu'à sa tête et vira brutalement. La forçant à s'accrocher à la rambarde pour ne pas dévaler les marches en catastrophe. Il stoppa violemment et elle s'arrêta pour reprendre sa posture et replacer les mèches qui s'étaient échappées de sa coiffure sophistiquée.

Le pire n'était pas passé, un jeune rouquin la bouscula sans se retourner comme si elle était invisible ou un simple obstacle sur son passage. Outrée par le comportement cavalier de cet énergumène, elle ne montra rien et sa frimousse angélique resta impassible. Pour une fois, cet artefact de pierres se montra juste et la vengea de cet affront en s'arcboutant. Le malotru chuta et se retrouva sur son séant. Un léger et fugace sourire en coin se dessina sur ses lèvres peintes d'une délicate et discrète couleur bois de rose et elle fut satisfaite de son humiliation.

Reconnaissant Mulciber, elle se dit qu'il allait prendre plaisir à la tourmenter vu qu'ils se retrouvaient bloqués sans aucun chemin de traverse pour qu'elle puisse s'échapper. Il aimait torturer celles et ceux qu'il jugeait impurs. Relevant le menton et simulant un sourire enjôleur, elle s'approcha de lui dans l'intention de le pousser d'un coup de vent magique peut-être ? Ce fantasme, elle ne le réalisa pas, elle devait continuer à faire croire aux serpentards qu'elle n'était qu'une jeune fille fragile, superficielle et crédule. D'une voix douce, la journaliste en herbe lui demanda un brin inquiète : « - Tu ne t'es pas fait mal ? » Peut-être s'était-il tordu la cheville ? Un fauve de son espèce était encore plus agressif  et imprévisible quand il était blessé. Il ne voudrait pas être ridicule devant une sang de bourbe. Battant des cils et lui lançant des regards adorables, sa main se leva lentement avec la grâce d'une ballerine pour lui indiquer une arche qui se dessinait sur le mur en face d'eux. Elle leur dévoila les ténèbres et des prunelles luisaient dans le noir. Le bruit des bestioles tapies dans l'ombre était inquiétant et elle glissa sa main le long de sa cape noire et bleu roi pour attraper sa baguette lovée dans une poche invisible aux yeux d'autrui. Des battements d'ailes résonnèrent et une nuée de chauves-souris les agressa.

N'ayant pas le temps de se concentrer suffisamment, son bouclier fut peu puissant et très instable, deux bestioles réussirent à le franchir et les griffèrent. Une plaie apparut sur sa pommette et elle se débattit pour repousser celle qui avait envie de la défigurer et de lui crever un œil. Un cri de douleur s'échappa et la peur que des marques enlaidissent son minois lui firent bouger les bras frénétiquement.