Petite cueillette en (très) bonne compagnie | Calli

Il était étrangement tôt pour un samedi matin et, sans réelle surprise, c’était déjà l’effervescence dans la salle commune des Gryffondors. Calliopée qui était, elle, une ancienne Poufsouffle, n’était toujours pas habituée aux bruits et au désordre semi-permanent qui régnait en maître chez les Rouge et Or. Elle était bien plus habituée au calme réconfortant du terrier des Jaune et Noir et dans certains moments comme celui-ci, sa précédente salle commune lui manquait un peu. Il ne lui fallut pas très longtemps pour se décider à enfiler les premiers vêtements qui lui tombaient sous la main et à attraper le premier livre qui passait de l’autre avant de filer en direction de la Grande Salle où elle savait qu’il n’y aurait encore que peu de monde, espérant profiter un peu de la solitude pour pouvoir lire ne serait-ce qu’un peu plus de deux pages sans être interrompue.

Et pourtant. La petite blonde n’attendit pas plus de quinze minutes avant d’être dérangée par la tornade qu’était l’aîné des Potter, devenu Carter à cette époque. Elle eut à peine le temps de penser au silence qui venait de s’enfuir sous l’assaut de James, tout comme la brioche à la praline sur laquelle il avait jeté son dévolu dès son arrivée. Et malgré le fait qu’il avait disparu aussi vite qu’il était tel le beau diable qu’il était sans lui laisser ne serait-ce que l’espoir d’en placer une, elle devait admettre qu’il avait raison. Elle était effectivement l’une des meilleures dans le domaine de la botanique et tout ce qui s’y rapportait. Ce n’était plus une surprise lorsque l’on savait de qui elle était la fille. D’un autre côté, cela faisait un bon moment qu’ils ne se voyaient qu’en coup de vent alors qu’ils étaient désormais dans la même Maison.

Une fois son petit déjeuner tranquillement avalé, Calli retourna dans son dortoir pour s’habiller un peu plus convenablement cette fois-ci. Surtout si c’était pour allégrement patauger dans le Lac Noir à la recherche de plantes aquatiques. Un vieux jean près du corps, une paire de bottes étanches qui avaient déjà bien vécue, un pull jaune en maille beaucoup trop grand pour elle sur lequel elle avait jeté une parka à toute épreuve ainsi qu’un bonnet en laine noir enfoncé sur les oreilles pour parfaire le tout, sa besace en cuir contenant ses gants en peau de dragon et son appareil photo battant sur sa hanche. Elle adressa un vague signe de la main aux filles encore présentes agrémenté d’un “À plus tard !” tout en passant la porte du dortoir.

C’est ainsi qu’on la  retrouve quelques minutes plus tard, dévalant les escaliers des sept étages du château à toute allure, évitant de se gameller par on-ne-sait quel miracle ; cavalant par la suite sur le chemin de terre amenant au Lac Noir où elle voyait de loin la silhouette du Huitième année faisant les cent pas au bord de l’eau. Elle s’arrêta net, calculant mentalement le temps que ça lui prendrait de s’approcher de lui sans se faire voir ni entendre ; ce dernier semblant plongé dans ses pensées. Elle n’attendit qu’un peu, quelques secondes tout au plus, pour se charger de malice et arriver le plus discrètement possible dans le dos de son ami de toujours. Dès qu’elle le put, elle tapa son plus beau sprint, ses petites mains fines s’accrochant aux épaules larges du brun, prenant appui dessus tout en sautant afin d’enrouler ses jambes autour de la taille du plus âgé, faisant de même avec ses bras autour de son cou. « Tu as vraiment besoin de plantes pour ton cours de potion ou je te manquais tellement que tu as eues subitement envie de me voir ? » dit-elle en lui ébouriffant joyeusement la crinière avant de descendre de son perchoir en riant.

Calliopée accepta le câlin - aussi bref fut-il - avec plaisir, se blottissant dans les bras de James pour finalement s’écarter, un sourire aussi joyeux que chaleureux plaqué sur le visage. Il fallait bien qu’elle en profite un peu : entre les cours de médicomagie de l’un, les missions qui leur avaient été attribuées et son propre tutorat en potions (bien qu’elle n’en avait aucunement besoin) avec la jeune Gaunt, ils n’avaient eu que très rarement l’occasion de se retrouver malgré le fait qu’ils étaient dans la même maison dans cette époque. C’était un comble pour elle de pouvoir passer plus de temps avec sa meilleure amie qui s’était retrouvée à Serdaigle cette fois-ci et si peu avec Jamie alors qu’ils partageaient la même salle commune.

La petite blonde pouffa de rire face à ses simagrées, secouant légèrement la tête sous le coup de l’amusement. « Tu m’as manqué aussi. On devrait peut-être s’organiser une soirée par semaine ou toutes les deux semaines juste pour pouvoir se retrouver et discuter, comme je le fais avec Rose. Puis on pourrait aussi inviter Albus, qu’est-ce que t’en penses ? Il semble en avoir besoin. » Si elle balançait cette idée avec l’air de ne pas y toucher, ce n’était pas sans raison. Elle avait bien remarqué que son meilleur ami ne paraissait pas être dans son assiette, et lui aussi, elle n’avait que peu de temps pour le voir, alors pourquoi pas faire d’une pierre deux coups, voire plus ? Jamie ne devait pas voir son petit frère très souvent non plus.

Une inspiration profonde suivie d’un long soupir, ses yeux s’écarquillèrent comme ceux d’une chouette lors d’une partie de chasse. « Le premier mot qui me vient à l’esprit est : Bruyant. Et le second serait chaleureux. Mais certainement pas autant que les Poufsouffles. Les Gryffondors sont bien plus égocentriques. » Et un petit tacle en bonne et dûe forme. Un ! Elle ne put néanmoins s’empêcher de lui décocher un sourire teinté de moquerie en coin accordé à un bref clin d'œil. Par Merlin ! Qu’est-ce qu’elle aimait le taquiner. Pas qu’il partait forcément au quart de tour mais c’était bien plus aisé qu’avec d’autres. « Bien sûr que j’ai pu les rencontrer. Nous sommes dans la même année et je partage la majorité de mes cours avec eux. Je passe plus de temps avec les filles, et donc Lily, puisque je me suis retrouvée dans son dortoir. Et franchement, tu devrais lui parler. Elle vaut le détour. » Elle n’avait pas eu besoin de réfléchir à ce qu’elle allait dire cette fois-ci, ni de deviner de qui il pouvait bien parler. C’était clair, limpide, comme de l’eau de roche. Bien plus que l’eau qui paressait à leur pieds, s’écrasant dans le limon verdâtre et odorant en de petites vaguelettes créées par le calamar géant, attestant de sa présence et proximité.

La petite blonde laissa ses yeux bruns dériver le long de la berge, repérant ici et là quelques plants de plantes aquatiques magiques et non-magiques, se récitant mentalement tout ce que son père lui avait enseigné lors de son enfance. Certaines devaient être récoltées de telle manière et d’autres, d’une toute autre façon. Certaines pouvaient être toxiques au toucher mais ce n’était pas le cas de toutes. Et pour les dernières de la liste, comme la branchiflore, il fallait carrément s’immerger. « S’il t’en manque tant que ça, on pourra toujours aller en chercher d’autres dans la Forêt Interdite ensuite. J’ai pris mon Polaroïd en plus. J’aurai de quoi prendre plein de belles photos en cette fin d’hiver. » Oui, elle en profitait pour rallonger le temps de présence du brun auprès d’elle en cette journée. Et pas très subtilement qui plus est. Et alors ? Il n’allait certainement pas s’en plaindre, si ?

Elle sauta d’un pas en avant, pivotant sur ses talons pour lui faire face et marcher à reculons, jetant de temps en temps un coup d'œil par-dessus son épaule pour voir où elle mettait les pieds. « Et toi ? Tu as pu rencontrer Alice et Frank brièvement ? Je sais que vous êtes dans la même année mais je t’avoue que je n’ai pas encore eu le courage de les aborder frontalement. C’est vraiment étrange de les voir debouts, bien vivants et en pleine forme et non pas catatoniques dans une pièce trop blanche et trop éclairée. » Un délicat voile mêlant quelques soupçons de sentiments contradictoires tels que la joie et la tristesse, l’envie et l’appréhension, flotta quelques instants sur sa frimousse mutine tachetée d’éphélides.