Je ne sais pas comment je me suis retrouvé dans les couloirs, à peiner pour suivre la jeune Parkinson. Elle me tient par la main et grimpe les escaliers quatre à quatre, il ne faudrait pas qu'on soit en retard pour regarder les feux de la nouvelle année. Encore une fois, je ne sais pas ce qui m'a poussé à la suivre, moi qui n'aime même pas les feux d'artifice.

Nous ne nous étions pas parlé depuis plusieurs années, autrement qu'en se disant bonjour en se croisant dans les couloirs de l'immense château qui nous sert d'école. Lorsque j'ai eu onze ans, que Gideon et moi avons pris le Poudlard Express pour la première fois, les liens qui unissaient Héra et moi se sont détériorés jusqu'à disparaître. Nous étions pourtant proches, enfants.

Mais cette soirée, cet incident impliquant un Rouge et un Vert, et l'alcool disponible ont sans doute aidé à reforger ce lien. Lorsqu'elle s'est approchée de moi, je ne savais pas trop quoi dire, mais c'est finalement comme si nous ne nous étions jamais quittés. Me voilà donc à le suivre dans les escaliers menant à la Tour d'Astronomie, pour regarder les feux qui annonceront l'entrée en 1977.

Arrivés, pile à temps, à l'endroit tant désiré, je l'entends m'annoncer que le spectacle commence. Elle est très enjouée par l'idée et je ne veux pas la désillusionner. Je lui souris donc alors que je sens la chaleur de son bras contre le mien. En gentleman, tel que m'a élevé Maman, je prends le temps d'enlever ma veste et de la poser sur ses épaules nues.

Oui, je me souviens. Encore une grande idée. J'ai bien cru que nos parents allaient en faire une syncope !

Je ris un instant, revoyant très clairement le visage des Parkinson et de mes propres parents lorsqu'ils ont entendu le vacarme déclenché par notre petite expérience. Les doigts pleins de couleurs, les yeux pleins d'étoiles et le sol plein de débris, nos parents ont eu le plus grand mal à mettre fin à nos rires pour nous expliquer les règles de base de la sécurité. Etant plus grands, Gideon et moi avons évidemment été punis, pour avoir soi-disant entraîné la jeune Héra dans nos bêtises.

Héra était, comme très souvent, l'instigatrice du déluge.

Comme à chaque fois, tu as bien joué l'innocente. De toute notre enfance, ma mère n'a jamais voulu croire que c'étaient tes idées.

Bien sûr que ma mère ne me croyait pas. Ce petit bout de chou trop mignon, cette petite fille à la vanille, ne pouvait pas être à l'origine des plus grandes bêtises des frères Prewett.

Je ris à nouveau et, la sentant toujours frissonner contre moi, décide de l'enlacer pour lui tenir chaud, tout en regardant d'un œil distrait les feux qui explosent au-dessus de nos têtes.

Tes parents me feraient la peau s'ils savaient que je t'ai laissée attraper froid.

Peut-être que ses parents me feraient la peau s'ils savaient que je suis seul avec leur fille, passablement alcoolisés, à regarder quelque chose d'aussi … romantique ? Je sais bien comment ça se passe. Je sais bien qu'elle est sans doute promise à un héritier, qui est bien entendu réparti comme elle à Serpentard.

Ca me fait bizarre de repenser à notre enfance. A toutes ces choses qu'on a faites ensemble, pendant toutes ces années. Ca me paraît tellement loin maintenant. Depuis qu'on a été séparés par le Choixpeau, on n'a même jamais pris le temps de se parler réellement à nouveau. Je sais pas si c'est ses parents qui l'ont influencée, à ne pas parler à un Gryffondor.

Je secoue la tête.

Justement, tu étais la tête, on était les bras. Mais ça, Maman ne l'a jamais cru. Je suis sûr que tes parents non plus.

Ce qu'elle est devenue ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Mes parents ne lui en veulent pas d'avoir été répartie chez Serpentard. En tous cas, pas que je sache ... Est-ce qu'il y a autre chose ? Après tout, moi non plus je ne sais pas "ce qu'elle est devenue".

J'attends patiemment que le feu d'artifice commence, les yeux dans le vague des cieux. J'entends les voix de nos camarades qui nous ont rejoints, au loin. J'ai remarqué, bien sûr, qu'Héra m'entraîne doucement dans un coin de la tour. Un coin où personne ne nous verra, sans doute parce qu'elle a honte d'être vue à mes côtés.

Je la sens se retourner et s'éloigner de moi. Je baisse les yeux et mon regard tombe dans le sien. Ses yeux sont rouges, dû à l'alcool, et les miens ne doivent pas être bien plus intéressants à regarder. Je l'écoute attentivement, et avant que j'aie pu lui demander de quoi elle parle, avant même de remarquer qu'elle s'est à nouveau approchée de moi, je sens la chaleur de ses lèvres sur les miennes.

Je me sens un peu perdu. J'ai l'impression que ça vient de nulle part, mais elle me dit que ça vient du cœur. Comment c'est possible, alors qu'on vient à peine de reprendre une relation ? On ne s'est pas parlé pendant 7 ans, et la voilà qui m'embrasse, et ça vient du cœur ?

Le baiser terminé, je penche la tête sur le côté, interrogateur.

Héra tu ... Tu es sûre que c'est approprié ? Que c'est ce que tu veux ?

L'alcool aidant, je veux continuer à être le gentleman que mes parents ont élevé. Elle est plus jeune, alcoolisée, c'est une jeune femme qui pourrait littéralement avoir n'importe quel garçon à son bras, elle a même l'air d'avoir un peu honte d'être vue avec moi ...

Je veux dire ... C'est pas l'alcool qui te fait faire n'importe quoi ?

Non pas que je sois pas attiré par elle. Elle est devenue une vraie presque femme. Bien loin de la petite fille qui s'écorchait les genoux à jouer au Quidditch dans notre jardin, à rentrer pleine de boue et pleine d'idées pour une nouvelle action d'éclat. Peut-être qu'elle a maintenant d'autres idées pour s'écorcher les genoux ...

Fab, c'est pas bien de penser ce genre de choses. Pas d'une jeune femme sophistiquée comme Héra.

Je sens bien que ma question ne lui a pas plu. Je le comprends, je suis pas stupide. C'est évident qu'elle n'a pas envie de s'entendre dire "tu ne sais pas ce que tu fais". Personne n'a envie de ça, et encore moins une femme, si j'ai bien saisi un truc à leur propos. Ceci étant, je ne peux pas laisser les choses continuer leur cours, si je ne suis pas sûr qu'elle, profondément, le veut.

Alors quand elle soupire, je baisse de nouveau la tête. J'étais presque à me résigner quand je sens ses bras autour de mon cou, comme une écharpe organique et chaude. Bizarre comme image. Je hausse un sourcil et l'écoute attentivement. Oui, ça sort de nulle part, c'est clair. Mais après, bon, je me connais, il ne m'en faut pas plus qu'une femme me dise qu'elle m'apprécie pour que je tombe fou d'elle.

Elle tourne la tête un instant mais je ne vois plus qu'elle. Voilà, une fois de plus, je suis pris dans les filets. Elle me reparle de mon histoire avec Cissy, dont la plaie n'est soignée que depuis peu. Oui, j'étais amoureux d'elle. Oui, j'imaginais passer un certain temps à ses côtés.

Mais l'image de la blonde a été remplacée par la brune, et c'est comme si les choses faisaient encore plus sens. C'est vrai, après tout, Héra et moi étions plus proches que Narcissa et moi. Mais j'ai l'impression que Poudlard et leurs parents ont fait le même effet aux deux jeunes femmes. en grandissant, on n'a plus eu les mêmes amis, plus les mêmes envies.

Jusqu'à l'année dernière, pendant un temps. Jusqu'à ce soir, pour longtemps je l'espère. Ses bras se resserrent autour de mon cou, attirant mon visage au sien, alors que mon cœur accélère à nouveau et que nos lèvres se touchent pour la deuxième fois.

Non, bien sûr qu'il y a quelque chose entre nous. Il y a toujours eu, quelque part, quelque chose entre nous. Mon envie de taquiner la petite fille est devenue une envie de me réveiller à ses côtés. Mais finalement, c'est toujours un peu une envie de la contenter. Comme quand on était mômes et que je suivais ses plans farfelus.

J'enserre sa taille et colle son corps au mien. Une chance qu'elle nous ai attirés dans un coin sombre. J'entends au loin nos camarades s'extasier, les feux exploser, et mon cœur palpiter. Des papillons dans l'estomac, une petite voix dans la tête et beaucoup, beaucoup d'hormones me poussent à délicatement, enfin je l'espère, passer ma main dans ses cheveux.

Si tu es sûre de toi ...

Si elle est sûre, quoi ? Hein, quoi, Fabian ? Tu fais le mec, mais la vérité c'est que tu sais pas. Je me mettrais des baffe, à vouloir faire le beau gosse ténébreux. Dans cette école pleine d'élèves, de profs et de fantômes, quelle est ta solution pour avoir un semblant d'intimité ? Parce que tu le sais, Fabian, elle va pas vouloir que les gens sachent. Il va donc falloir se cacher. Et où, Fabian ? Où ?

Mais plus important : maintenant quoi ? C'est bien, vous êtes amoureux, c'est mignon. Mais c'est pas mignon, là, l'adjectif qui conviendrait à la situation. C'est pas du mignon que tu veux, et à en croire son langage corporel, c'est pas du mignon qu'elle veut non plus.

Mais bien sûr, si je lui demande, ça va casser le moment. Le mieux que je trouve à faire, c'est de la pousser dos au mur, près d'une armoire qui servira de couvert, et de reposer mes lèvres, passionnément, sur les siennes.

Ouais, 'fin, va peut-être falloir se calmer parce qu'on n'est pas seuls. Une part de moi est toujours rationnelle, c'est une bonne chose. Mais bien entendu, c'est pas cette partie de moi qui prend le dessus. Non, c'est bien la partie "mec de dix-huit ans hormoné et alcoolisé à souhait".

Je suis en terrain parfaitement inconnu. Jamais, jamais je n'ai été aussi loin, jamais je n'ai autant écouté mon corps au détriment de ma tête. Mais il semble qu'il soit maintenant trop tard pour reculer. Et je ne veux pas pas reculer. Il va falloir découvrir comment tout fonctionne, et rapidement.

Pour le moment, je me laisse entraîner dans l'instant, j'ai l'impression que j'ai chaud, mais de l'intérieur. La brise fraîche de janvier permet de sécher la fine pellicule de sueur sur mon front, alors que je sens Héra s'échapper et me tirer par la main.

Comme des adolescents, mais sommes-nous autre chose, nous descendons les escaliers. Ses paroles résonnent en moi et mon corps frissonne. Il va falloir ruser, maintenant, pour rejoindre ma chambre suffisamment discrètement, pour ne pas se faire choper dans les couloirs par les patrouilles des profs et des préfets.

Suis-moi !

C'est moi qui prends les rennes maintenant, les doigts autour de son poignet délicat. Un sourire sur les lèvres, nous nous dirigeons vers le seul endroit de tout Poudlard qui m'appartienne réellement. Le seul où nous serons sûrs de ne pas être interrompus.