When it is dark enough you can see the stars - ft. Severus

Pas un nuage ne venait troubler l'ordre du ciel en cette douce nuit d'hiver. Les étoiles scintillaient, chacune à leur place et il était aisé de les reconnaitre et de les nommer. Les bras croisés sur la rambarde glacée, je levai les yeux vers le firmament, ce tableau d'un bleu profond constellé d'une multitude de petites taches blanches étincelantes. Reliant chacune d'entre elles par des lignes imaginaires, on devinait - on créait - des images depuis la nuit des temps. L'Astronomie m'avait toujours fascinée.

Fidèle à sa place dans un coin du ciel, le Grand Chien, la patte en l'air, semblait me saluer et cette réflexion me fit sourire. Sirius brillait sur son poitrail, sans doute l'étoile la plus brillante de toutes. Un peu plus loin du chien courrait son maître, le géant Orion brandissant massue et bouclier. D'autres y voyait un arc tenu par une femme. Chacun avait sa version de l'histoire. Comme toujours. A voyager dans le temps, je réalisai que chacun avait toujours sa propre vision des choses, et que l'Histoire ne retenait pas toujours tout. Pire, parfois, elle changeait le cours des choses.

Les Anciens prédisaient l'avenir dans le ciel. Le moindre signe de la vie quotidienne devenait un présage à comprendre ou un symbole à déchiffrer. Un vol d'oiseau à senestre, un coup de vent à dextre, un chat errant croisé sur un chemin, un aigle survolant un toit... Un rien devenait tout, les thaumaturges en jouaient pour créer des miracles, et les augures y voyaient le destin du monde. Qu'auraient-ils pensé de tout cela ? Du monde d'aujourd'hui, de nos actes ? Il faudrait que je questionne Monsieur Trinder à ce sujet. Ou madame Lloyd. Elle serait sans doute moins terre à terre que le professeur d'Arithmancie, et plus ouverte d'esprit.

Un vent frais se leva et me fit frissonner, pourtant, nulle envie de retourner dans mon dortoir. Si un préfet ou un professeur passait par là, je serais bonne pour une réprimande, mais peu importe. Parfois, il était plaisant de désobéir aux règles. Concernant des règles bafouées, je songeai à cette soirée du nouvel an qui avait mal tournée. Les deux investigateurs m'avaient promis la meilleure fête de Poudlard et, comble de l'ironie, c'étaient eux qui s'étaient brûlés les ailes et qui avait poussé la fête au fiasco. Un pauvre garçon avait payé pour eux, il m'avait fait de la peine.

Je resserrai le col de mon manteau autour de mon cou pour empêcher l'air glacial de s'infiltrer sous mes vêtements quand des pas résonnèrent dans l'escalier derrière moi. Résignée, je jetai un coup d'œil par dessus mon épaule. Inutile de me cacher et d'aggraver mon cas, un professeur serait assez malin pour me retrouver.

La silhouette d'un jeune garçon sortit de l'ombre et je devinai dans la semi obscurité les traits d'un élève plus jeune que moi, et pas n'importe lequel : Severus Snape en personne. Quelle étrange vision. Je connaissais son visage, après tout, il serait professeur et directeur de Poudlard dans bien des années, mais le voir en cher et en os avait un petit quelque chose d'irréel, d'éthéré, qui contrastait avec une simple huile sur toile animée. J'avais tardé à le reconnaitre lors du nouvel an, mais à présent, cela ne faisait plus aucun doute.

« Oh, désolée..., lui soufflai-je dans un fin sourire. Je ne pensais pas avoir de compagnie pour ce soir. »

Je me détachai de la rambarde, prête à lui céder la place s'il en faisait la demande. Mais la curiosité au fond de moi grondait. On n'avait pas tous les jours la chance de rencontrer en chair et en os des hommes du passé. Je voulais tant lui parler. Découvrir qui il était.

Severus s'installa à mes côtés, et il ne me chassa pas. Ce constat plutôt simple et surprenant me fit sourire intérieurement. A l’observer en classe et dans les couloirs, et au vu des dires de ma mère à propos du futur professeur qu'il serait, je m’imaginais un garçon solitaire et réfractaire à toutes formes de sociabilisation. Peut-être était-ce le cas, et qu’il me faisait une fleur en m’acceptant à ses côtés. Je l’en remerciais dans mon for intérieur, avant de reprendre place contre la rambarde. Je laissais le silence se frayer une place entre nous sans oser le chasser. L'instant était étrange, pas déplaisant. La proximité de Severus Snape, que j'aurais cru froide et anxiogène, avait un petit quelque chose d'apaisant. Impossible de savoir quoi exactement, mais il me rappelait la maison et mes heures entières passées dans le bureau de mon père. Sans doute était mon imagination qui me jouait des tours. Il serait le plus grand potionniste de son temps, un professeur émérite et un grand homme à sa manière. Même s'il avait encore beaucoup de chemin à faire, son aura était là.

Le Serpentard s'adonna à la curiosité le premier, et je ne pouvais pas lui en vouloir. S’il n’avait pas pris la parole, je l’aurais fait de la même manière.

Un songe étrange m'avait poussé hors du lit. Un songe étrange dont je ne me souvenais guère. A mon réveil, il ne persistait qu'une insistante frustration et le sentiment d'avoir échoué à faire quelque chose d'important. S'en étaient suivies des réflexions idiotes et interminables auxquelles j'avais préféré couper court. Severus n'avait pas besoin de savoir tout cela, à quoi cela lui servirait ? J'aurai pu inventer n'importe quoi. Mon imagination était assez fertile pour imaginer les plus improbables des excuses, ou les plus réalistes. Il me suffisait de mentir pour m'éviter une conversation trop gênante et personnelle.

Avec lui, pourtant, j’eus envie d’opter pour la vérité.

« Je n’arrivais pas à dormir. »

Pathétique, n'est-ce pas ? Cela aurait pu être pire encore. J'aurais pu lui confier avoir peur du noir et ne pas pouvoir dormir sans lumière. J'aurais pu lui avouer craindre le monstre sous mon lit ou le cri de la Banshee. J'haussai les épaules comme si cela n'avait pas d'importance. Après tout, cela faisait partie de mon quotidien.

« Cela m’arrive parfois. Trop de pensées m’en empêchent. Des questions ou des doutes... »

Des questions que je ne pouvais poser. Des doutes que je ne pouvais partager. Constater l'étendue de ma solitude me serra soudain le cœur. La route que j'empruntai était trop étroite pour qu'on s'y avance à mes côtés, mais je l'avais choisi, et je ne souhaitais entraîner personne avec moi. Nous sommes toujours seuls, disait ma mère. Dans les grands moments de la vie, nous sommes toujours seuls.

Levant les yeux vers le firmament, j'esquissai un sourire à mi-chemin entre la nostalgie et la résignation.

« Alors je viens voir les étoiles et je dessine les constellations dans le ciel. C'est quelque chose de concret, même si on ne pourra jamais les toucher. Je sais où trouver Véga, Antarès, Regulus et Altaïr... C'est rassurant. Elles sont trop loin pour que cela change. »

Trop loin pour les voir mourir. La stabilité que m'apportait le ciel étoilé n'était que factice, je le savais bien, mais cela fonctionnait. Je tenais cette habitude de ma mère, c'était avec quelle que j'avais découvert les étoiles. Père les nommait dans ses carnets, il avait rédigé des pages et des pages entières sur les astres, leurs symboliques et leur histoire, mais c'était maman qui m'avait montré où les trouver. Placer les astres du ciel et réciter leurs noms, un geste futile, un toc idiot. Un souvenir plaisant.

Le silence plana à nouveau dans la nuit froide. La lune brillait au-dessus de la tour et baignait les lieux de ses rayons d'argent. Elle n'était plus totalement pleine, nous avions manqué de peu le jour idéal pour la contempler dans toute sa splendeur, pourtant, ce soir là était le bon. Je ne le savais pas encore, mais ce jour-là, cette date-là, était importante pour l’un de nous deux. Le hasard l’avait bien choisi. A me perdre dans mes pensées et dans la nuit étoilée, j'en oubliais presque la présence du jeune homme à mes côtés. Lui aussi savait apprécier l'instant présent et ce n’était pas pour me déplaire.

Je glissai mon regard vers lui.

« Et toi ? »

Qu’est-ce qui trouble tes nuits, Severus Snape ?