Leia Hawkins

"Tu es sûre de ce que tu avances ?"
Ces mots résonnaient comme un écho, rendant l'air autour d'elle inaccessible pour ses pauvres poumons, l'empêchant de prononcer le moindre mot en retour. Si l'adolescente n'avait pas espéré des larmes des joies en guise de réponse à son annonce, elle était loin de s'imaginer que la conversation allait prendre une telle tournure. Elle s'était pourtant bien lavée ce matin alors, pourquoi lui imposait-il une douche aussi froide ? Glaciale même.
― Oui. De qui veux-tu qu'il soit ?
Le jeune homme fit la grimace, son regard s'attardant quelques secondes sur le ventre de son interlocutrice.
Un enfant à naître. Le sien, à ce qu'il paraît. Il n'y croyait pas. Cette fille était trop rêveuse, trop naïve et cherchait bien trop d'attention pour pouvoir affirmer une telle chose.
― Ok, admettons que ce soit le mien ; je n'en veux pas. Pas plus que je veux de toi dans ma vie. Alors fais ce que tu veux, mais ce sera sans moi.
Elle sentait son coeur se briser, ses entrailles se tordre. Ça lui donnait la nausée. Tant bien que mal, elle s'efforçait de garder la tête haute, de ne rien laisser paraître. La pensait-il aussi bête ? Ou était-il mauvais à ce point ? Mauvais au point de lui promettre la lune, pour ensuite profiter d'elle puis l'abandonner ? Ou est-il simplement encore un enfant qui se cache derrière de grands discours ?
Elle le déteste. Elle le déteste tellement.
― Dégage.
Ce n'était qu'un murmure. Mais comme toute personne capable d'entendre ce qu'elle veut bien, il partit sans se retourner. Pas un mot. Quant à elle, elle fondit en larmes.

"Madame voulez-vous... Ô oui voulez-vous..."
La jeune mère observait sa fille du coin de l'oeil, l'écoutait attentivement chantonner sa chanson, tout droit sortie de son imagination. Les paroles n'avaient aucun sens mais peu importe ; elle était dans son monde et tant qu'elle s'y trouvait, elle ne cherchait pas à être ailleurs. Et c'était mieux ainsi ; La jeune mère n'arrivait pas à affronter le regard des autres, à supporter leurs critiques. Trop jeune pour être mère. Séductrice. Juste bonne à faire le ménage. Dépendante de ses parents. Toutes ces vérités la blessaient au plus haut point et lâche, elle préférait le confort de sa maison aux longues promenades en ville. Pourtant, elle faisait tout pour être une bonne mère, veillant à ce que sa fille ne manque de rien et soit heureuse, sans père. On pouvait au moins lui accorder ça, non ?
― Papy et mamy vont bientôt arriver. On rentre, pour les accueillir ?
Leia leva les yeux de son cahier, l'air peiné.
― Je ne peux pas rester dehors ?
La mère sourit tendrement tout en se redressant, main tendue vers sa fille.
― Tu pourras revenir quand ils seront là. D'accord ?
La petite fille hocha la tête et prit la main de sa mère, la suivit à l'intérieur de la maison. Toutes les deux savaient déjà à quoi s'attendre. Une remarque par-ci. Un reproche par-là.
"Tu devrais sortir avec ta fille plus souvent".
"A-t-elle fait ses exercices pour l'école ? Je vais l'aider".
Certains jours, c'était vraiment pénible. Mais elles n'étaient pas en droit de se plaindre. Leia ne savait encore rien de la vie et sans ses grands-parents, elle serait restée seule bien trop souvent, pendant que sa mère se tuait à la tâche. D'une certaine façon, ils contribuent grandement à son éducation et ce depuis sa naissance.
― Et si on préparait du bon chocolat chaud, pour boire tous ensemble ? Tu m'aides ?!
Leia sourit, visiblement ravie. Le chocolat chaud de sa mère était, à ses yeux, le meilleur de tous.
― Un chocolat chaud fait avec plein d'amour ?
― D'amour et de bonheur ! répondit-elle en riant.

L'aïeul surveillait sa petite fille avec une grande attention, tout en manipulant ses aiguilles à tricot avec une habilité déconcertante. Leia, de son côté, s'attelait à la préparation du repas malgré la douleur qui parcourait son bras à chaque mouvement brusque. Une grimace, et elle continuait. Sa mère allait rentrer tard ce soir là, sûrement épuisée par le travail, et la jeune fille voulait qu'elle puisse manger et se reposer dès son retour. Alors elle restait concentrée, prenait sur elle, suivait à la lettre la recette de boulettes de viande de sa mère. Merci papy ; c'est toujours lui qui ramenait de la viande en tout genre, sachant que sa fille et sa petite fille en mangeaient rarement.
― Ton bras te fait encore mal ?
Leia prit quelques secondes pour répondre à sa grand-mère, hésitante.
― Oui. Ma tête aussi me fait encore un peu mal, parfois.
L'aînée se redressa difficilement de son siège, vint observer de plus près la petite bosse sur le front de sa petite fille.
― Tu as eu de la chance de t'en être sortie avec si peu de séquelles. Si cet homme ne t'avait pas ramassée, tu aurais pu être gravement blessée ou...
Elle s'interrompit, ne souhaitant pas dire une telle chose à une enfant. Leia la regardait, consciente que la suite n'arriverait jamais.
― Je vais bien, mamy. Les gens ont juste eu peur. C'était un accident.
Elle sourit. Elle essayait elle-même de se convaincre, d'oublier tout ça. La peur. La douleur. Le choc. C'était sa façon à elle de gérer le traumatisme qu'elle venait de vivre.

― Vous êtes... complètement fou.
L'homme ne semblait pas vexé par sa remarque, comme si se faire traiter de fou étant devenu une habitude. Il se mit même à rire, faisant grimacer la mère de famille qui jeta un coup d'oeil à sa fille, inquiète. Leia, elle, était restée silencieuse. Elle avait écouté l'homme avec attention, à la fois effrayée et passionnée. Elle, une sorcière ? Un monde magique ? Une école de sorcellerie ? Tout cela la dépassait et pourtant, une part d'elle voulait y croire. Parce que si c'était vrai, ce serait la preuve qu'elle n'a rien d'un monstre, qu'elle n'est pas folle.
― Votre réaction est parfaitement légitime, Madame Hawkins. Je conçois que c'est difficile à croire, pourtant je vous demande de me faire confiance.
Leia connaissait sa mère mieux que quiconque ; Il n'était plus question de la convaincre mais de la rassurer.
― Tu l'as bien vu, ma'. Et si j'avais blessé quelqu'un ? dit la jeune fille tout en serrant sa lettre d'admission à Poudlard entre ses doigts. ― Ça va aller. Il faut juste... que j'apprenne.
Elle avait peur, Leia. Peur de ce nouveau monde et des surprises qu'il lui réservait. Pourtant...
― Bon, quand est-ce qu'on y va ?!  demande-t-elle avec entrain.

La machine hurlait, annonçant son départ imminent. Les derniers retardataires s'agitaient, se bousculaient, certains pour passer, d'autres pour jouer.
Déjà bien installée depuis une vingtaine de minutes, dans l'un des nombreux compartiments du Poudlard Express, Leia était dans son monde. Ses sentiments, ses souvenirs, ses envies... Ils prenaient peu à peu forme sur le papier.
―  Tu dessines bien.
La brune sursaute, surprise, et relève aussitôt la tête. Face à elle, une élève de son âge, portant les couleurs de Serpentard. Cette dernière s'excuse, avant de s'installer sur le siège d'en face. Tout en la remerciant pour le compliment, Leia la suivit du regard, finit même par sourire.
― Tu n'es pas avec tes petits amis aujourd'hui ?
La vipère sourit à son tour, hausse les épaules.
― Ils n'ont pas pris la peine de m'attendre ; je ne prends pas la peine de les chercher. 
Elle marque une pause, baisse de nouveau les yeux sur le dessin de Leia qui finit par lui tendre son cahier, afin qu'elle puisse l'observer de plus près.
― Parce que j'ai l'honneur de jouir de ta compagnie... dit la Poufsoufle avec sarcasme.
Son interlocutrice prit un air fier, passe sa main dans ses cheveux d'un air théâtral.
― J'ai l'honneur de lire dans tes pensées.
Les deux sorcières échangèrent un rire amusé.
― C'est toi qui est parvenue à battre l'autre troll en duel l'année passée, je me trompe ? Tu es douée, pour...
Elle se tut, mal à l'aise.
― Une sang-de-bourbe ? Tu sais ce qu'on dit : Si on refuse de te faire une place, impose-toi. 
Leia hausse les épaules et reprend son cahier qu'elle glisse dans son sac.
― C'est ça ton but ? T'imposer dans le monde des sorciers ?
― Tu n'es pas censée lire dans mes pensées ?