Leçon pluvieuse - Feat T. Dubois Maxwell

31 Octobre.

Fatidique fête d’Halloween. Jour où les emplois du temps sont allégés afin de permettre aux élèves et professeurs d’en profiter pleinement. Jour destiné aux farces, aux citrouilles -dont Cissy a horreur- aux déguisements et tout simplement à l’amusement. L’euphorie est souvent présente et de nombreuses personnes au château, excitées, restent sur leur garde, prêtes à se faire piéger à tout instant. Malgré sa froideur apparente, la jeune Black affectionne particulièrement cette fête, lui faisant revenir en mémoire de nombreux souvenirs d’enfance aux côtés de Bella et Andromeda ; quand plus jeunes elles allaient arpenter les maisons voisines pour obtenir le plus de sucreries possible.
Malheureusement ce matin, pour elle, le programme est tout autre. Et c’est bien la soupe à la grimace qui orne son visage. Non, elle ne restera pas avec Ismène et Greengrass dans leurs dortoirs, à préparer minutieusement son maquillage et déguisement pour le défilé du professeur Ravencrow. Elle est là, rentrant dans les vestiaires, trempée, avec un semblant de tenue de sport-Quidditch. Il pleut des cordes et malgré la météo, ses cours tutorés de vol sont bien maintenus. L’exaspération est grande. Aussitôt fut-elle à l'abri qu’elle ne peut s’empêcher de s’exclamer à l’attention de son “professeur”.

“ Sérieusement Thomas ? Comment veux-tu que je parvienne à voler un temps soit peu avec un temps pareil ? On ne voit absolument rien à plus d’un mètre de distance !”.

Sans ajouter que ce fichu balais - récupéré dans les vestiaires - était abominablement glissant.
Malgré les intempéries, ils s’étaient retrouvés un peu plus tôt dans la matinée, devant le terrain de Quidditch. Les entraînements ayant été annulés, ils avaient pu s’approprier les lieux, au plus grand déplaisir de Cissy. Elle avait traîné de la patte dans les vestiaires, faisant patienter Thomas un peu plus que nécessaire. Elle avait râlé un nombre incalculable de fois -toujours en restant polie, bien entendu. Et puisi, forcée de constater que le lion n’en démordait pas, elle avait fini par capituler. Après un bref échauffement, il lui avait demandé de le suivre à travers le terrain. Elle en avait été bien incapable. Il allait trop vite, trop haut et clairement, elle ne voyait rien - ou du moins, n’avait pas envie de le voir. Il n’avait pas baissé les bras, bien au contraire. Se tenant à différents endroits du terrain, elle avait dû le retrouver en effectuant des courses précises, à des vitesses alternées. Une fois encore, sa prestation avait été bien plus que calamiteuse. Le manque de visibilité la perturbait et lui faisait clairement peur -mais ça, elle ne voulait guère l’avouer. Thomas ne cessait de lui dire qu’elle pouvait accélérer, qu’il n’y avait rien face à elle, mais elle s'obstinait à retorquer qu’elle pouvait à tout moment percuter un corbeau ou un hibou en chemin pour la volière. Finalement, au bout de vingt minutes, elle avait réussi à obtenir un temps de répit. Ils se retrouvaient ainsi là, tous les deux, s’accordant une pause dans les vestiaires du stade.

“Est-ce que, à cet instant précis, tu éprouves véritablement le moindre plaisir à voler ? Franchement, il n’y a absolument R.I.E.N. d’agréable. Il fait froid, nos vêtements dégoulinent, on ne voit rien -oui je sais, je l’ai déjà dis il y a même pas une minute- et on n’entend presque rien à cause de cette pluie torrentielle”. Elle cessa de se plaindre et le regarda dépitée.

“Tu penses vraiment qu’on doit y retourner ?”.

La vipère n’avait plus rien à perdre face au lion. Il l’avait déjà vu dans une situation bien embarrassante et maintenant qu’il était son tuteur en vol, elle ne pouvait faire semblant d’être la princesse des Serpents, toujours apprêtée et impeccable comme elle aimait le faire penser. Thomas devait sans aucun doute faire partie des rares personnes à la découvrir ainsi, faiblesses apparentes - plus naturelle mais que ce qu’elle révélait au grand jour. A sa place, certaines personnes auraient simplement pris la décision de ne pas venir mais il n’en était rien pour Cissy. Élève sérieuse et appliquée, elle était toujours à l’écoute de ses professeurs et elle savait qu’en tant que préfète, elle devait donner l’exemple.

Il pleuvait. Trop de blagues sur la médiocrité de la météo anglaise avaient été faites jusqu'alors, il fallait bien que cela arrive un jour. Un mauvais jour.

Thomas s'était levé, rayonnant comme un soleil du mois de juillet, mais comme le ciel écossais, sa bonne humeur avait rapidement tournée à l'orage. Au petit déjeuner, il avait vu les nuages gris se rassembler au dessus de la tête. Au moment de s'habiller et de revêtir sa panoplie du parfait petit poursuiveur, il avait entendu le vent se lever et secouer les branches du saule cogneur. Thomas était resté optimiste jusqu'au bout. Une fois sur le terrain de Quidditch pour attendre son élève, il s'était retrouvé complètement trempé.

Pas question, pourtant, d'abandonner. Thomas portait fièrement le nom des Dubois, leur sang coulait dans ses veines, mêlé à ceux des Bell. C'était un combattant, un peu d'eau ne lui faisait pas peur, et il s'était déjà entrainé sous la neige avec son père ! On lui avait confié une mission, il irait jusqu'au bout. Et il restait convaincu que Narcissa Black pouvait le faire.

Il avait tenté, de plusieurs façons, de motiver son élève. Il l'avait affublé de toutes les protections possibles et inimaginables pour ne pas qu'elle se fasse mal si elle venait à chuter, et lui avait même prêté ses lunettes spéciales pour ne pas que ses jolis yeux soient malmenés par la pluie. Mais rien n'y faisait : son niveau en vol était catastrophique. Jamais Thomas n'avait vu autant de maladresse réunie en une seule personne - si ce n'est chez cette fille qui avait faillit se manger les marches en pleine poire en début d'année. Sur la terre ferme, cela ne faisait aucun doute, Narcissa était une femme pleine de grâce et d'élégance. Son port de tête altier, sa démarche légère et assurée, sa tenue propre et impeccable : une véritable princesse ! Mais dès qu'on l'installait sur un balais, elle devenait gauche, maladroite et lourdaude. Un véritable mystère que Thomas souhaitait comprendre et résoudre.

La météo et la pluie battante n'aidaient pas la jeune femme et Thomas avait beau l'encourager, la motiver et la rassurer, la Serpentard restait crispée sur son balais. Son vol avant la lourdeur de celui du bourdon, et l'assurance d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Alors, elle pestait, elle se plaignait et elle pestait encore.

Au bout de vingt minutes, la pluie et la mauvaise humeur de Narcissa Black eurent raison de lui.

« Oh ! Tu n'y mets aucune bonne volonté ! »

D'un geste agacé, il délaissa son pauvre balais - rien à voir avec le Nimbus 3002 qu'il avait dû laisser en 2022 pour des raisons purement logiques - contre un mur et retira rageusement ses mitaines en cuir. A présent au sec, il fit quelques pas dans les vestiaires et ses chaussures trempées couinaient à chaque fois qu'il posait le pied à terre. Un soupir lui échappa alors qu'il passait ses mains dans ses cheveux pour les chasser en arrière. Avec la pluie et l'humidité, les bouclettes brunes du jeune homme ne frisaient que d'avantage et ne ressemblaient plus à rien. L'eau froide glissait dans son cou, et sur le bout gelé de son nez, mais il se stoppa pour faire face à la Serpentard.

Il écouta les plaintes et réclamation de Narcissa avec le calme apparent d'une vendeuse assignée au Service après Vente, mais le jeune garçon avait atteint ses limites. Quand elle eut fini de se plaindre, il écarta les bras, comme si elle avait oser proférer les pires blasphèmes.

« J'adore voler ! Qu'il neige, qu'il vente ou qu'il grêle : quelle importance ? On est pas plus libre que dans les airs, Narcissa ! Il n'y a plus que toi et le vent, aucune limite si ce n'est celles que tu t'imposes ! »

Qu'elle ne puisse pas comprendre un tel plaisir, lui qui volait déjà sur un balais dans le ventre de sa mère, cela lui était inconcevable. Sourcils froncés, dans une expression mêlant autant sa détermination que son incompréhension, il planta son regard dans celui de la princesse des Serpentard. Il la dévisagea de la sorte un bref instant, comme si la fixer suffirait à la convaincre de remonter sur son balais pour affronter l'orage.

Pourtant, il céda.

« Mais ok, ok ! »  Il leva les mains en signe d'abandon, chose qu'il ne lui ressemblait guère. « On arrête là pour aujourd'hui si t'en as marre ! Le but est que tu y éprouves un minimum de plaisir, ça ne sert à rien, sinon. »

Sa phrase achevée, le Gryffondor se détourna. Laissant sa camarade d'infortune plantée là où elle était, il décida de prendre l'air et de s'éloigner. Il s'adossa dans l'encadrement de la porte, face au terrain de Quidditch battu par les trombes d'eau que crachait le ciel. Les bras croisés, il fixait tout ce gris et cette pluie d'un air boudeur.

Autre triste constatation, comble de l'horreur : ils étaient coincés là pour un moment.

« Oh ! Tu n'y mets aucune bonne volonté ! »
La remarque de Thomas n’était pas totalement fausse, et même plutôt vraie mais la vipère estimait avoir donné LARGEMENT suffisamment donné et n’était guère prête à admettre qu’il avait raison.
Assise sur son banc, dans les vestiaires, plainte terminée, elle écoute la réponse du lion. Ou plutôt sa tirade de fanatique de vol. Narcissa leva les yeux au ciel face à ce débit de parole un peu trop exagéré à ses yeux. Dépitée, elle ne peut s’empêcher de répondre au tac-au-tac “Apprends à voler sans balai et là, on en reparle ”.
Remarque absolument ridicule. Même pour un sorcier, il était impossible de voler. Oui, elle le savait Cissy, mais elle n’avait pas véritablement envie de comprendre son attrait pour le vol sur balai. Son attention quitte la conversation dès lorsqu’elle s’aperçoit que, sur son nez, les stupides lunettes de Thomas étaient encore présentes. Elle les enleva rapidement, espérant retrouver le peu de dignité qu'il lui restait. Jusqu’à quand cette humiliation allait-elle donc perdurer ? Boudeuse, irritée, énervée et agacée, Narcissa ne pensait alors plus qu’à rentrer, espérant en son fort intérieur que lion allait abandonner.
A sa grande surprise, c’est ce qu’il fit. Résigné, il céda à ses plaintes et s’éloigna jusqu’à l’encadrement de la porte. La blonde resta là, coite. Elle ouvrit la bouche et la referma aussitôt. Elle ne s’était aucunement attendue à cette réaction. Que ressentait-elle au fond d’elle ? Etait-ce une sorte de… culpabilité ? Non, impossible. Elle avait obtenu gain de cause, son entraînement était terminé. Elle était supposée se réjouir. Pourtant, la satisfaction ne prenait aucunement le dessus sur ses émotions. Lèvres qui se mordent inconsciemment pendant qu’elle réfléchit Cissy. Oui. Elle était véritablement contrariée. Car au fond, elle savait que tout cela était de sa faute. Elle était supposée s’en moquer mais pourtant, quelque chose d’inexplicable prenait le dessus en elle. Elle si studieuse, elle ne pouvait se résigner à un tel échec dès son premier entraînement. Alors, elle se leva en silence, marchant jusqu’à ses affaires afin d’y récupérer sa baguette. Un murmure est prononcé et aussitôt -alors que le lion est toujours de dos- des petites silhouettes roses s’échappent de son extrémité, venant former toute une équipe de Quidditch miniature. De sa baguette, Narcissa dirige un joueur de fumée vers Thomas, le faisant virevolter autour de celui-ci jusqu’à le stabiliser à ses côtés. Toujours dans son dos, tout en avançant vers lui, elle lui propose alors :
“ A défaut de pouvoir -ok : de vouloir- voler dehors, peut-être peut-on tenter une partie plus théorique ?”

Rejoignant le lion, elle s’adosse à son tour de l’autre côté de l’encadrement de la porte. Regard qui se mêle au sien vers l’extérieur.

“Ou alors on peut aussi opter pour une autre version de la pratique : tu vas voler, et je t’observe. Mais je ne suis pas certaine que cela soit véritablement le but de ce cours…”.

Elle soupire Cissy. Prunelles fixées vers ce temps diluvien. Le froid qui lui transperce les os car oui, ils sont toujours trempés. L’envie d’être au coin du feu qui la prend et elle serait presque tentée de lui proposer de venir se réchauffer dans une des salles de révision. Mais non, la vérité est bien là ; ils sont coincés ici encore pour un sacré bout de temps. Ses pensées qui s’égarent et qui s'échappent à haute voix. Son regard qui se tourne vers le lion, un petit sourire provocateur se dessine sur ses lèvres.
“ Tu espérais avoir une élève facile ?
J’espère que tu es aussi obstiné et courageux que le prétend ta maison. Il va t’en falloir de la motivation !”.
Derniers mots qui s’achèvent en un petit rire avant de venir à nouveau observer l’extérieur. Narcissa venait de faire un premier pas vers son tuteur. C’était à présent à lui de saisir cette opportunité.
Son petit joueur de Quidditch quant à lui, se tenait toujours aux côtés de Thomas, dans l’attente de ses prochaines instructions.

Les trombes d'eau gelée qui se déversaient du ciel plombaient la bonne humeur de Thomas. Il avait le moral dans les chaussettes, et les chaussettes trempées. Savourer un bon chocolat chaud près de la cheminée n'aurait pas été de refus et lui aurait réchauffé corps et âme. Et aurait fait voler en éclats ses sombres pensées. Apprends à voler sans balai ! qu'elle lui avait dit ! Les propos de Narcissa l'avaient vexé plus qu'ils ne l'auraient dû et il s'en voulait de réagir de manière aussi puérile. Le Quidditch et plus généralement le vol était une passion qui lui collait au cœur et à l'âme, une tradition et une fierté familiale. Critiquer cela, c'était un peu critiquer les Dubois et les Bell. Et il n'autorisait personne à se moquer de sa famille, surtout pas depuis qu'ils... Thomas grimaça et croisa les bras contre son torse. Il se mordit l'intérieur de la joue pour retenir les larmes qui lui piquaient les yeux. Ah ! Que dirait son père s'il le voyait comme ça, à abandonner à la première contrariété ? Olivier Dubois était le meilleur capitaine de Quidditch de tous les temps - oui, oui - et son fils n'arrivait même pas à sa cheville ! Quel idiot ! Quel nul !

Alors qu'il se laissait turlupiner par les plus pessimistes de ses réflexions, un petit joueur de Quidditch voleta à son niveau. Cette soudaine apparition le fit sursauter, puis il se laissa attendrir par le petit personnage de fumée rose. Lady Black brisa le silence et s'avança à son tour. Il la suivit du regard alors qu'elle s'installa à ses côtés et il profita du fait qu'elle regardât ailleurs pour la regarder, elle. James la qualifiait de beauté froide, mais en cet instant, Thomas sut que le capitaine des Gryffondor avait tort. Certes, Narcissa était belle. Mais son cœur était tendre, et sa chaleur était rassurante. Elle ne serait pas là, sinon. Elle ne ferait pas d'effort pour lui, sinon.

Thomas étouffa un rire qui pouvait trahir le fond de sa pensée (un peu trop) niaise, ou sa réaction au commentaire de la Princesse de Serpentard. C'était bien tenté de lui proposer de le regarder voler, mais ce n'était pas lui qui avait besoin d'apprendre à maîtriser son balai !

Leurs regards se croisèrent et il vit la lueur de provocation naître dans ses yeux et le sourire qui étirait ses lèvres. Oui, elle avait raison, si cela avait été trop facile, cela n'aurait pas été amusant - ni instructif. Il préférait la version de l'histoire où il ne se laissait pas abattre et où il arrivait malgré tout à convaincre la jolie blonde. A son tour, il eut un sourire.

« Ok ! Va pour de la théorie ! Ton p'tit gars va nous aider, viens ! »

Soudain revigoré de bonne humeur et de motivation, il se détacha de l'encadrement de la porte et retourna à l'intérieur. Le splosh splosh de ses chaussures mouillées ponctuaient chacun de ses pas tandis que le jeune garçon alla récupérer le tableau qui servait à élaborer les stratégies avant les matchs. Lady Narcissa voulait un véritable professeur ? Elle l'aurait.

Mains sur les hanches, il attendit que son élève du jour et son petit joueur de fumée s'avancent jusqu'à lui, et il trépignait d'impatience. Au fond, il était comme un gosse guettant l'arrivée du Père Noël et de son traîneau durant la nuit du 24 au 25 décembre, et le large sourire qui étirait ses lèvres trahissait son entrain et son excitation.

« Déjà, et je tiens à te féliciter, tu sais déjà faire plein de choses : grimper sur ton balais, monter dans les airs et redescendre. C'est la base et tu la maîtrises. »

Nonobstant - et personne n'utilise ce mot dans la vraie vie -, il leva son index pour attirer son attention sur la leçon du jour.

« Aujourd'hui, on va parler équilibre et stabilité. »

A force d'observation, Thomas avait bien compris l'une des craintes de sa camarade de classe. La jolie blonde n'était pas rassurée à l'idée de quitter le sol - et de prendre le risque de s'y écraser si elle venait à tomber. Le Gryffondor supposa alors que s'il lui expliquait comment tout cela fonctionnait, elle pourrait comprendre et en aurait moins peur. Du moins, il l'espérait.

« Chaque objet a un centre de gravité : c'est le point où toutes les forces de gravité se rejoignent. On pourrait croire qu'avec la magie, on oublie les règles de physique de base, mais pas tant que ça. »

Il retira son manteau rouge trempé qui le gênait dans ses mouvements et le jeta sur l'un des bancs pour le laisser sécher. Chose faite, attrapa son balai. Incapable de tenir en place, il fallait qu'il occupe ses mains pour rester un minimum concentré, et quoi de mieux que d'illustrer ses propos en montrant un point invisible sur le bois du manche.

« Le centre de gravité du balai n'est pas au milieu du manche comme on pourrait le croire, mais un peu plus vers la brosse. On va faire un test : tu vas tendre les bras et je vais y poser le balai. Ensuite, tu vas rapprocher tes mains l'une de l'autre et quand il tiendra en équilibre sans tomber, tu auras trouvé son centre de gravité ! »

Et sans se départir de son sourire, il lui tendit le balai. Oui, oui, Princesse Narcissa allait devoir y mettre du sien.

Secondes qui se figent durant ce bref échange de regard, défi et confrontation presque complices. A ce moment-là, Narcissa sut qu’elle avait réussi à ranimer la flamme de son tuteur. Au-delà de sa satisfaction personnelle, une petite lueur au fond d’elle était soulagée - et heureuse ?-  de retrouver un Thomas déterminé.
Aussi se mit-elle à le suivre dès qu’il retourna à l’intérieur, se retenant de rire face au bruit infernal de ses chaussures. Prunelles qui se lèvent vers le ciel, vipère amusée par le comportement de ce lion impétueux. Il était évident que le vol était son élément et sa passion. La vigueur dont il faisait preuve à chacune de ses explications était presque touchante. Si Cissy connaissait peu ce rouge et or  -insupportable de prime abord- forcée était-elle de reconnaître qu’il parvenait à atteindre une étrange corde sensible chez elle.
Face au premier compliment de Thomas à l’égard des brèves capacités de la demoiselle en vol, les joues de la blonde rosirent légèrement. Elle chasse l’air d’un signe de main, comme pour l’inviter à passer à autre chose. Son enthousiasme était peut-être légèrement démesuré et Narcissa avait bien conscience que les bases évoquées étaient un minimum pour les premières années. Et puis, le lion se lança dans une tirade concernant une histoire de centre de gravité. La Black avait beau être scolaire, vraiment, elle n’arrivait pas à accrocher avec toute cette théorie, surtout, lorsqu’elle évoquait des références moldues. Elle se laissa tout de même prendre au jeu de cet étrange atelier. Et lorsque ce fut à son tour d’entrer en scène, elle se prêta volontiers à l’exercice. Bras tendus, elle laissa son tuteur poser le balais. Puis, en douceur, elle approcha ses mains l’une de l’autre. Un mouvement un peu trop rapide frôla la perte d’équilibre du balais. Cissy ralentit aussitôt et se souvint des derniers propos de son professeur : centre de gravité davantage au niveau de la brosse. Elle glissa habilement ses mains jusqu’au fameux point recherché. Aussitôt, la vipère comprit ce dont il était question et le balais sembla se stabiliser -comme par magie ! 1, 2 seconde… immobilité presque parfaite avant que le balais ne tombe par terre, le poignet de Cissy ayant défailli. Dans sa course, il emporta le petit joueur de fumée avant de terminer sur un des pieds de Thomas. La Black fit de grands yeux avant de ramasser le balais aussitôt :
« Mille excuses, tout va bien ? Même mes mains refusent de collaborer avec un balais.. ».
Désolée, elle l’invita à s'asseoir quelques minutes. Récupérant sa baguette, elle fit apparaître un peu de glace afin d’apaiser la douleur. Laissant celle-ci faire son effet. Elle regarda le lion du coin de l’œil avant de pousser un long soupir. Malgré sa pudeur évidente, et son refus d’avouer ses faiblesses, il était temps que Thomas comprenne davantage le pourquoi du comment. Et puis… au point où elle en était avec lui, elle ne risquait pas grand-chose niveau humiliation. Laissant la glace en lévitation sur le pied du jeune homme, elle se tourna légèrement vers lui, saisissant une de ses mains. « Tu vois là ? … » elle glissa les doigts de Thomas le long de son poignet droit. « Tu es d’accord, on ne sent rien ? » puis elle fit de même sur son poignet gauche « Et là ? ». Au toucher, on pouvait sentir une légère déformation osseuse, invisible à l’œil nu. Elle rendit sa main au lion avant d’ajouter :
« Lorsque j’étais enfant, j’avais des cours particuliers de vol. Je n’ai jamais franchement aimé ça mais je n’avais pas le choix. Un jour, je n’avais absolument pas envie d’y aller mais ma mère m’y a forcé -en soit, elle avait raison. Malheureux hasard, j’ai fait une mauvaise chute qui a entraîné une fracture de mon poignet. Alors oui, pour nous les sorciers, ce n’est rien, ça se répare en un coup de baguette magique. Mais il s’avère que mon professeur était très mauvais en sort. Au lieu de me le réparer, il me l’a totalement déformé. J’ai été obligée de faire un séjour de 48h à Ste Mangouste pour soigner cette erreur ». Narcissa marqua une pause, regard fixé vers le mur face à eux avant d’ajouter. « Depuis ce jour, je fais un refus total. Comme tu as pu le voir, même inconsciemment, je ne parviens pas à tenir un balais en équilibre convenablement trop longtemps ». Estimant qu’elle s’était suffisamment confiée, elle termina avec un léger rire.

« Donc oui, je suis une élève bien plus compliquée que ce que tu puisse s’imaginer ! ».

Par miracle, Cissy était parvenue à se confier, à raconter cette histoire que très peu de gens connaissaient. Elle ne cherchait ni compassion ni pitié de la part du lion. Elle lui permettait simplement de mieux la comprendre. Mais à présent, elle ne souhaitait guère s’étalait davantage.
La vert et argent retourna ses iris vers son interlocuteur, désignant son pied d’un signe de tête. « Et toi ? Ça va mieux ? ».

Comme toujours lorsqu'on le lançait sur l'un de ses sujets préférés - le Quidditch, les séries ou la nourriture - Thomas se laissa emporter par le tourbillon de ses pensées. Ses passions le rendaient plus bavard qu'à l'accoutumée et il ne réalisait pas toujours que son trop plein d'énergie pouvait être une plaie pour ses auditeurs. Une chance, ce coup-ci, il était tombée sur une élève studieuse et appliquée (quand bien même elle soit aussi capable de ronchonner.) Alors, avouons le, il fut comblé quand Narcissa participa de son plein gré à son petit exercice. Avec le sourire, il lui confia le balai et il se recula d'un pas. Les bras croisés, le regard paternel et attendrit, il l'observa avec la plus grande attention. Elle persistait malgré ses difficultés, elle n'abandonnait pas. Quand elle trouva le point d'équilibre du balai, un sourire illumina le visage de Thomas - un peu comme si c'était lui-même qui avait réussi cet exploit pas si fabuleux que ça. Il s'avança vers elle pour la féliciter.

« Bravo ! T'as réuss... AÏE ! »

Le balai vacilla et chuta sur son pied, lui arrachant un cri de douleur un poil exagéré. Il serra les dents et grimaça un peu. Heureusement, la princesse des glaces vint lui porter secours. Avec son aide, il sautilla sur son pied valide jusqu'au banc le plus proche.

« Tout va bien, t'inquiète pas ! »

Malgré tout, puisque cela semblait important pour elle, il la laissa faire apparaitre la glace pour apaiser sa douleur. Se faire dorloter par une charmante fille, c'était toujours plaisant ! Quoi qu'un peu gênant.

Gène et Silence s'installèrent entre eux et l'ex-Serdaigle jeta un coup d'œil dans les vestiaires pour ne pas devoir fixer la princesse Serpentard dans le blanc des yeux sans piper mot. Dehors, s'il tendait l'oreille, il entendait toujours la pluie tomber. Le bruit était apaisant, un peu.

Soudain, les doigts de Narcissa se glissèrent autour des siens et elle guida sa main sur son poignet. L'air bête, Thomas se laissa faire et l'écouta. Avec douceur, il caressa son poignet droit de la pulpe de ses doigts, puis le gauche. Rien d'étrange sur le premier, mais il était forcé de constater que quelque chose n'allait pas pour le second. Une légère différence, infime, mais présente. Quelque chose qu'il n'avait pas remarqué jusqu'alors.

Elle le lâcha et il releva les yeux vers elle. Et elle se confia. Avec un silence religieux, il écouta sa triste mésaventure, sa chute et sa blessure. Cela arrive, bien sûr, mais les ressentis de Narcissa ne pouvaient pas le laisser de marbre. Il comprenait soudain ses craintes et ses difficultés, il compatissait. L'accident devait l'avoir sacrément marqué pour qu'il reste ainsi gravé dans son corps et dans ses instincts. Ça l'attristait, un peu, et il n'arrivait pas à détourner son regard. Même avec les cheveux trempées et les joues un peu rouges à cause de la pluie glaciale, elle restait belle. Même en avouant les plus intimes de ses souvenirs, elle restait fière. Elle, pendant toute sa confidence, elle avait regardé ailleurs. Thomas se rendait bien compte de tous les efforts qu'elle faisait et rien que pour cela, il la trouvait formidable.

Quand elle changea de sujet, il n'osa pas insister. Pas de suite ! Qu'est-ce qu'il aurait pu dire, de toutes façons ? Un "je suis désolé" n'aurait rien changé, et il n'avait pas envie de l'étouffer de pitié. Il étouffa un rire à son tour. Avoir une élève compliquée ne lui faisait pas peur ! Et, au fond, elle n'était plus si compliquée que ça.

A sa question sur son pied - qui devait être bien gelé depuis le temps - il hocha la tête en souriant.

« Oh oui ! Je suis bien plus costaud qu’on ne le croit ! Je me suis croûté des tas de fois ! »

Ponctuant sa phrase d'un rire, il délassa son protège tibia et remonta son pantalon pour montrer son genou à la jeune fille. Il y avait un bleu verdâtre sur sa jambe, encore un autre sur la cuisse, mais il lui montra la fine cicatrice au dessus de son genou.

« Je me suis fait ça quand j'avais huit ans ! Amelia m'avait dit que j'étais pas cap' de faire la course avec elle et pour l'impressionner, je suis allé un peu trop vite. J'ai foncé dans le noisetier, mon balais est resté coincé dans les branches et je me suis vautré ! Mais le pire, c'est quand maman nous a engueulé ! » En riant, il passa sa main dans ses cheveux et dégagea les boucles brunes sur sa tempe pour dévoiler une autre cicatrice à la racine de ses cheveux. « Et ça, j'étais avec Brian et Charlotte ! On jouait dans la rivière, j'ai glissé sur des galets et ma tête à manger le bord. Je pissais le sang, oncle Jimmy a fait une syncope... Et maman a failli nous tuer ! »

Parler de tout cela ravivait les souvenirs et il s'en amusait encore. Il n'y avait aucune fierté à avoir foncé dans un arbre ou à s'être vautré dans une rivière, mais cela faisait parti de tous ces moments inoubliables passés avec ceux qu'il aime. Parler de tout cela l'attristait. Son sourire fana et il baissa un instant les yeux vers le sol. Un soupir lui échappa, soudain plus sérieux.

« Tu disais que les Gryffondor sont obstinés et courageux, mais... » Il se coupa dans sa phrase, grimaçant un peu le temps de trouver les bons mots. « Le vrai courage, c’est pas de foncer bêtement dans le tas en oubliant que tu as peur, c’est savoir que tu as peur et y aller quand même. »

Son regard glissa une dernière fois sur la jeune femme et il lui offrit un tendre sourire.

« Je suis désolé si je t’ai forcé, je savais pas... Mais je suis quand même impressionné. T'es sacrément courageuse, Narcissa. »

Avec surprise, il avait été relativement naturel pour la vipère de se confier. Elle n’aimait guère ce sentiment de faiblesse mais elle avait senti cela nécessaire. Comment l’expliquer ? Elle ne le savait guère. Cet étrange lion semblait véritablement avoir le don de faire ressortir le bon de l’âme de la Black. Et la réaction de celui-ci fut à la hauteur de ses attentes. Il ne posa aucune question et ne vint pas non plus lui offrir une quelconque forme de pitié. Un bon point pour lui.
Attention reportée sur le pied de Thomas, elle haussa un sourcil amusé à sa réponse. Il était impétueux, rieur et fougueux. Tout ce qu’elle n’était pas. Mais il ne franchissait jamais les limites, ce qui le rendait bien plus que supportable aux yeux de la blonde. Elle l’écouta à son tour tout en faisant disparaître la glace. Observant le bleu d'une couleur bien étrange sur sa jambe ou encore la cicatrice au-dessus de son genou. Il parla d’une certaine Amelia. Très rapidement, Narcissa comprit qu’il s’agissait de sa soeur. Tout comme Brian et Charlotte qui semblaient faire partie de sa famille ou son oncle Jimmy. L’évocation de ses souvenirs toucha profondément la vipère - bien qu’elle se serait passée de découvrir jusqu’à sa cicatrice à la racine de ses cheveux. Elle ne connaissait pas cet aspect du rouge et or et pour la première fois, elle semblait le regarder différemment. Davantage plus comme un jeune homme que comme un adolescent. Son récit se termina et Narcissa remarqua bien le sourire du lion se fâner, prunelles tournées vers le sol. Était-ce sa manière à lui de stopper ce sujet de conversation ? La vert et argent préféra ne pas ajouter de mot. Au fond, elle aurait aimé en découvrir davantage mais rapidement, son naturel revint au galop et elle estima qu’il n’y avait que peu d’intérêt à ce qu’elle connaisse l’ensemble de cette histoire. Enfin, c’est ce dont elle tenta de se persuader.

Sujet changé autour des valeurs semblant habiter les lions. Le courage. La peur. L’obstination. Ironiquement, elle finit par lui répondre.
“Ah ça… foncer bêtement dans le tas semble bien correspondre à la caractéristique primeur de nombreux des rouge et or !”. C’était bien un comportement qui lui était étranger. Son cousin lui, faisait totalement parti de ce type de personnes. Ce n’était pas pour rien s’il n’était nullement à ses côtés chez les serpents. Mais qu’importe, ce traître au Black n’avait rien à faire ici.

Regards échangés et sourire partagé.
Quelques secondes qui se figent, où Cissy se surprend à perdre notion de ce qui les entoure. Battement de cils et reconnexion à la réalité presque immédiate.
“Je ne saurai dire si je me catégorise comme telle, mais je te remercie Thomas. Pour ces mots mais aussi pour aujourd’hui”.

Conversation suspendue avant que la vipère ne décide de se lever pour observer une nouvelle fois l’extérieur. La tour du clocher sonna, annonçant midi. La pluie, elle, ne semblait guère vouloir cesser.
“Mister Maxwell.
Au point où nous en sommes, peut-être pouvons-nous faire preuve une nouvelle fois de courage aujourd’hui et affronter cette intempérie jusqu’au Château ? Je peux devenir un véritable monstre lorsque j’ai faim”

Rire cristallin raisonnant avant de l'inviter à la rejoindre jusqu’à l'entrebâillement de la porte. Elle ajouta alors.
“Malgré les rebondissements de cet entraînement manqué, j’ai apprécié ce moment passé avec toi.
Tu n’es peut-être pas si insupportable que tu en as l’air”.
Clin d’oeil entendu sur cette rare confession avant d’entreprendre un retour vers le Château.

Foncer dans le tas, le lot des Gryffondor, Thomas ne pouvait qu’acquiescer. Cela lui arrivait parfois - souvent - sans doute était-ce pour cela que le Choixpeau l’avait rétrogradé à Gryffondor en 1976. Néanmoins, il tâchait de garder les conseils de son père dans un coin de sa tête et d'utiliser sa réflexion le plus souvent possible. Il n'était pas bête, sa mère le lui disait souvent, mais il devait calmer ses élans irréfléchis. Plus facile à dire qu'à faire !

Il eut un rire, hocha la tête, et laissa le silence se réinstaller entre eux. Rien de gênant, Thomas appris à apprécier la présence de la femme à côté de lui sans un bruit. Leurs regards se croisèrent, leurs sourires se répondirent.

Chose plus improbable que tout le reste : elle le remercia. Le visage de Thomas s'illumina d'un large sourire à ses mots et il sentit son petit cœur se gonfler de joie et de fierté. Il n'avait pas chassé la peur de Narcissa - il n'y arriverait peut-être jamais - mais elle s'était confiée et chacun en avait un peu plus appris sur l'autre. Et elle ne semblait pas dégoûtée par la journée, malgré la pluie et le froid. Un bon point pour Monsieur Dubois !

Il acquiesça d'un signe de la tête, mais n'en dit pas plus. Inutile de gâcher tout cela avec des bavardages. Parfois, il n'y avait pas besoin de mots. Le Gryffondor bavard connaissait bien l'adage quand bien même il ne l'appliquait que très peu : la parole est d'argent, le silence est d'or.


Au loin, les cloches sonnèrent midi et l'estomac de Thomas leur répondit dans un gargouillis. Il avait faim, lui aussi ! Narcissa se releva et son professeur du jour l'imita une fois son pantalon correctement remit en place. Thomas se redressa au niveau de la princesse des glaces sans se départir de son éternel sourire.

« Miss Black, lui répondit-il dans une révérence à peine exagérée et d'un ton faussement pompeux. Notre dernière leçon sera donc de braver la tempête pour nous sustenter et éviter le courroux dévastateur de votre estomac : un bon repas au coin du feu nous récompensera ! »

Elle rit, et il rit à son tour.

Il rassembla alors ses affaires de Quidditch et renfila sa cape qui n'avait pas vraiment eu le temps de sécher. Quelle importance ! Dans quelques secondes ils seraient à nouveau trempés jusqu’aux os. Il passa sa capuche sur sa tête et s'avança vers la sortie. Lorsqu'il croisa une dernière fois le regard de Narcissa, il se stoppa pour l'écouter. Aux confessions de la jeune fille, il réprima un trop grand sourire et hocha la tête. Moi aussi, songea-t-il, j'ai aimé passer du temps avec toi. Il le pensait très fort, mais il se fit soudain pudique et n'osa le dire à voix haute. Il eut un rire amusé.

« Je prends ça pour un compliment. Merci ! » Il s'inclina et lui indiqua la porte de sortie. « Après vous, très chère amie. »

Finalement, il y avait du bon à retenir de cette leçon pluvieuse.