Réunion de famille - ft. Philomène

A la mort de tante Octavia, Philo' avait changé.

Trop jeune et naïf, Thomas n'avait pas compris le pourquoi et le comment de ce changement. Elle grandit, qu'il s'était dit. Elle n'a plus le temps pour courir dans le jardin, sauter dans les flaques et construire des cabanes dans les arbres. C'est une jolie fille maintenant, elle doit penser un peu à ses cours, mais surtout à se faire belle pour les garçons - et trainer avec le cousin crasseux devenait alors gênant. Elle grandit. Le mot était terrifiant pour le gamin qu'il était. Et il n'avait pas compris que c'était encore plus terrifiant de perdre quelqu'un.

Le concept de mort lui était étranger, il n'avait jamais perdu quelqu'un. Bubulle le poisson rouge, quelques insectes écrasés, oui, mais ils n'avaient jamais vraiment fait partis de la famille, ils n'étaient pas assez proches pour réaliser que, sur le long terme, l'absence devenait un vide, un gouffre. Un trou noir. Qu'on pouvait aller jusqu'à brûler des soleils pour revoir un être proche pour seulement quelques minutes et lui dire correctement adieu.

Il avait grandit, lui aussi, et avec le temps, il pensait avoir compris. Il pensait. Il ne pouvait qu'imaginer les sentiments de sa cousine, ce qu'elle avait vécu, et il regrettait de ne pas avoir été assez malin et assez présent pour elle. Etait-ce sa faute si elle s'était tant renfermé et éloigné de lui, de la famille ? Peut-être, peut-être pas. Mais il voulait rattraper tout ça.

Car il avait enfin compris.

A présent qu'Olivier et Amelia Dubois n'étaient plus de ce monde, Thomas comprenait l'horreur que sa cousine avait traversé. Ça lui serrait l'estomac, ça restait coincé dans sa gorge et ça lui tordait tant les trippes qu'il avait envie de disparaitre à son tour. Ça revenait le soir ou, dans ses moments comme celui-ci, quand il était seul et que le tourbillon de ses pensées s'effaçait au profit de ce grand vide.

Absence.

Il se claqua les deux joues pour se ressaisir et ça lui arracha une grimace. Quel geste stupide ! Mais cela lui remit les idées en place. Il frotta ses yeux humides de sa manche et prit une grande inspiration avant de se relever.

« Allez, Thomas ! Faut te bouger un peu ! Tu sauveras pas le monde en glandant ! »

Rester actif, ne pas laisser la tempête se calmer et le silence s'installer.

Il passa la cape aux couleurs de Gryffondor sur ses épaules, vérifia qu'il portait bien sa baguette sur lui et décida de profiter de son temps libre pour explorer les lieux. Ses pas le guidèrent à l'extérieur. La brise légère souffla dans ses boucles brunes et gonfla le tissu de sa cape. Il entendit la voix de sa mère, dans un coin de sa tête, lui dire de se couvrir plus pour ne pas attraper froid ! Il esquissa un sourire et s'avança dans le parc.

Les branches du Saule Cogneur se balançaient avec nonchalance au gré du vent. Son tronc puissant et tortueux se dressait fièrement au bout du parc et Thomas n'osa pas s'en approcher davantage. Oh, ce n'était pas l'envie qui lui manquait - grimper au sommet de l'arbre était un défi comme un autre ! - mais il devait rester en un seul morceau pour accomplir la mission qu'on lui avait confié.

Il balada son regard autour de lui, détailla les visages des quelques élèves qui trainaient dans le parc. Thomas n'avait jamais été timide, loin de là, mais aujourd'hui, il ne savait pas par où commencer.

C'est alors qu'on lui donna la réponse. Impossible de ne pas reconnaitre la silhouette qui s'avançait - seule - dans le parc, ces jolies cheveux blonds, cet air de petite peste princesse qui ne lui convenait pas du tout... Sa cousine. Son visage s'éclaira d'un large sourire - qu'on pouvait amplement qualifié de niais - et son cœur se gonfla de joie.

« Hey !! lança-t-il à l'attention de la jeune femme tout en agitant énergiquement le bras pour attirer son attention. Philo' ! J'suis là !! »

Comme si elle ne l'avait pas entendu.

Comme si elle avait envie de lui parler.

la voix d'une personne qui ne t'es pas inconnu raisonne entre les murs de l'enceinte. le parc regorge d'élèves. peut être que tu as entendu des voix ? pourtant, elle semble se rapprocher. plus distincte. tu fronces les sourcils, assise sur ton banc. seule, avec un livre dont tu ne t'entiches pas du tout. si tu pouvais vomir dessus, ça t'arrangerai presque.

thomas.

cousin depuis toujours, deux êtres autrefois proches. vous vous êtes perdus de vue. pas seulement par la différence d'âge, mais surtout par le manque d'attention dans vos familles. le décès de ta mère a provoqué en toi un électrochoc. pulsations du coeur qui s'accèlèrent. souffle court. ce sont les sensations qui t'envahissent depuis tout ce temps. mais tu n'as jamais su expliquer à thomas, pourquoi tu t'étais éloignée, pourquoi tu avais changé, grandi. tu t'émerveillais, mais seule. les amis, c'était pas ton truc en 2022. alors aujourd'hui, sur le banc des années 76, encore moins.

devrais-tu accepter sa présence?
devrais-tu lui parler ?
pour de vrai cette fois ?

tu soupires, relevant le visage vers ton interlocuteur. thomas. il n'a pas changé lui. un peu grandi. un peu muri. un visage devenant celui d'un homme. tu lances ton plus beau sourire à ton cousin, claquant ton livre d'un geste ferme.

HEY THOMAS !

même timbre de voix enjoué que lui. comédienne, philo ?

Ca fait drôle d'être ici, hm ?

tu grimaces en observant ceux qui vous entoure.
tous des êtres qui vous sont tellement étrangers, ou familiers.
c'est pas si facile de s'intégrer à cette nouvelle "vie". nouvelle phase.